Ce qui précède est ici : Préparation au bac philo 2023 : « Le langage déforme-t-il la pensée? » (sujet tombé en 2023 dans les centres étrangers)

Nous avons proposé un exercice formateur aux candidats : se mettre à la place d’un professeur de philosophie qui doit évaluer une copie dans laquelle il doit juger la valeur de la pensée de l’auteur. Cela exige, et c’est ce qui peut être formateur, de connaître les critères d’évaluation qui président à cette correction. Dans l’explication de texte, il en existe deux fondamentaux :

  • la paraphrase qui consiste à parcourir tout le texte en commençant pas la phrase : « dans la première phrase l’auteur dit que … » etc.
  • l’absence de questionnement, d’interrogation provenant de l’absence de recherche préalable de LA question (il n’y en qu’une) du texte donné.

Examinons la copie de l’élève ChatGPT …

Dans l’introduction, toute l’année votre professeur vous a parlé de la nécessité de mettre en place une problématique et vous ne savez toujours pas ce que c’est … et manifestement l’élève ChatGPT ne le sait pas non plus ! Car répéter l’intitulé comme le fait ce dernier en mettant un point d’interrogation, ce n’est pas une problématique ! Pour la découvrir il faut faire le travail d’analyse des concepts qui figurent dans l’intitulé (ici langage et pensée) pour mettre en évidence des points de contradiction, d’opposition entre eux. Vous trouverez un grand nombre d’exemples dans ce site de découverte de problématiques et nous donnons le lien avec un sujet qui comportait le concept de langage dont nous donnons les conditions de possibilité (l’essence). Vous ne devez pas aller à l’examen sans avoir dans votre esprit les conditions de possibilité ou essence de tous les concepts au programme (vous pouvez les trouver dans ce site, selon les dissertations proposées,).

https://philo.alcimia.fr/2223/le-langage-nest-il-quun-outil-bac-2013-serie-l-problematique-corrige/

De plus, ChatGPT fait sa dissertation sans la moindre analyse des concepts en présence : quelle est l’essence du langage  (vous la trouverez dans le lien mis au-dessus)? L’essence de la pensée ?

La première partie est hors-sujet : pas étonnant car les concepts n’ont pas été définis ! «L’influence du langage sur la perception du monde. Le langage agit comme un filtre à travers lequel nous appréhendons le monde qui nous entoure. » Mais ce n’est pas le sujet qui ne porte pas sur le rapport langage/ monde ; il est demandé de penser le rapport langage/pensée.

Moralité ! Lisez et analysez tous les mots qui figurent dans l’intitulé et ne partez pas à l’abordage sans faire ce travail essentiel …

Quelques points de départ …

Combien de candidats découvrant ce sujet vont-ils être saisis par la contradiction apparemment irréductible entre leur pensée inflationniste remplie et saturée de bribes de cours et un langage qui parvient à peine à mettre une quelconque forme et même une forme quelconque à leur pensée vibrionnante ? Ne sommes-nous pas plongés dans le drame existentiel du candidat plein de pensées mais qui, ressentant la trahison de tous les mots, contemple la blancheur immaculée de sa copie ? Si ma pensée très riche renonce à s’aliéner dans le langage déformant, puis-je rendre copie blanche ou prier le correcteur de tenir compte de la trahison des mots jetés sur ma copie ?

Cessons les angoisses et quel que soit le sujet, prenons toujours le temps d’analyser, de décomposer tous les intitulés qui vous sont présentés le jour du baccalauréat. Cela peut constituer une première partie du devoir qui montre au lecteur que vous essayez de PENSER.

Lecture et analyse du sujet.

Qu’est-ce que présuppose l’intitulé ?

  • Tout d’abord qu’il existe une différence entre le langage et la pensée.
  • Ensuite que la pensée existerait avant, et peut-être indépendamment, du langage.
  • Le langage serait l’expression d’une réalité (la pensée) qui aurait une structure, une forme qui lui est propre.
  • Le langage viendrait se saisir de cette forme qu’est la pensée pour, en quelque sorte, l’exprimer, la faire apparaître, surgir, à l’extérieur

Le sujet présuppose donc qu’il y a une rencontre entre deux formes qui seraient différentes et peut-être même de nature différentes, la forme propre à la pensée devant passer par le langage et la forme propre au langage devant s’emparer, pour l’exprimer, de la forme de la pensée. Dans cette façon de poser la question, le langage serait en quelque sorte un outil que la pensée utiliserait pour se manifester. Et si le langage est un outil il n’est rien d’autre pour la pensée qu’une technique d’expression.

Et là, l’élève qui a réfléchi sur la technique, notion au programme, se retrouve devant un boulevard pour continuer l’analyse de sujet et montrer que le langage déforme, par sa nature de technique, la pensée (cela pourrait constituer le corps de votre deuxième partie de dissertation). Que reproche-t-on à la technique depuis Platon ? C’est de déformer, dénaturer ce qu’elle permet de réaliser. Pour Platon la technique est une prothèse extérieure au sujet, le dépossède de son autonomie, de sa liberté et provoque une aliénation puisqu’on place en elle, à l’extérieur, ce qui était auparavant en nous : elle crée une dépendance asservissante. Elle est même ce qui apporte la mort de ce qui était le plus vivant en nous. Partons de la dernière finale médiocre et sans intérêt de la Ligue des champions 2023 qui rendrait presque sympathique le football italien : qu’est-ce que la plupart des journalistes sportifs, analphabètes en pensée philosophique, racontent à propos de la nouvelle technique nommée VAR ? C’est de dénaturer le jeu, de déformer l’essence de la partie vivante, de déformer et de déresponsabiliser l’arbitre de champ ? Ils reprennent, ignorantissimes, les arguments de Platon qui condamnaient l’écriture comme technique aliénante de la parole.

(Nous avons développé ici cette question qui pourrait vous servir de révision sur la notion de technique : Une introduction à l’essence de la technique. Platon : l’invention de l’écriture (le mythe de Theuth) 

Philosophie et arbitrage vidéo au football : les impensés de la technique. Le visible et l’invisible. (1)

Reste à se demander qu’est-ce que la forme de la pensée avant et indépendamment du langage ? Mais ce sera pour plus tard!