La maladie Covid-19 : la science prise entre désir et raison (1)

[Corrélats avec le programme : le vivant, théorie et expérience, raison, vérité, désir, société]

La raison démonstrative à l’œuvre.

La science en tant que science ne peut être que le fruit de la raison. C’est elle, notamment dans les sciences expérimentales, qui fait des hypothèses, met en place des expériences qui peuvent être répétées indépendamment par tous les scientifiques qui suivent le même protocole, instaure des lois qui, alors, structurent la relation constante et universelle entre  certains phénomènes : la raison a permis de poser, pour un domaine bien défini, une vérité universelle. Dans les faits, l’instauration d’une vérité scientifique n’est pas linéaire et automatique. Le physicien contemporain Alain Aspect en donne deux exemples opposés : certains physiciens ont affirmé qu’ils étaient parvenus à effectuer la fusion froide dans un tube à essai mais comme aucune autre équipe, suivant le même protocole expérimental, n’est parvenue à répéter les expériences, il ne peut s’agir d’une vérité scientifique. Il en est de même pour la théorie selon laquelle il existerait une mémoire de l’eau. Seul, aujourd’hui, un esprit égaré, le professeur Montagnier ancien Prix Nobel, croit  encore à cette affirmation fumeuse : on attend toujours et sa démonstration expérimentale qui devrait être publiée dans une revue scientifique et sa vérification par des chercheurs indépendants ! Inversement, certains physiciens ont affirmé, il y a quelques années, qu’il pouvait y avoir une supraconductivité dite à haute température critique ; or Gilles de Gennes (1932-2007) prix Nobel de physique en 1991, avait démontré que cela n’était pas possible. Mais contrairement aux démonstrations de ce dernier, ce phénomène a été reproduit par un grand nombre de laboratoires dans le monde et cela a donné lieu à un Prix Nobel de physique. La vérité en physique est établie lorsque l’expérience, conduite par la raison, vérifie l’hypothèse proposée et tranche par plusieurs équipes indépendantes capables de répéter l’expérience donnant les mêmes résultats.

L’expérimentation comme unité de la théorie (pris au sens large) et de l’expérience.

                On a coutume de distinguer idéalement dans la méthode expérimentale trois temps qui n’apparaissent pas toujours aussi clairement dans les faits mais dont la distinction permet de comprendre l’unité de la théorie et de l’expérience.

  1. a) L’observation d’un fait polémique. Elle n’a de sens que pour un esprit déjà instruit scientifiquement. Par exemple, Claude Bernard constate que des lapins que l’on vient d’apporter du marché ont l’urine claire et acide. Ceci ne peut étonner qu’un esprit scientifique qui sait que les lapins, en qualité d’herbivores, ont ordi­nairement l’urine trouble ou alcaline alors que ce sont les carnivores qui ont l’urine claire et acide
  2. b) La formulation d’une hypothèse‑postulat. Claude Bernard émet l’hypothèse que les lapins ont dû jeûner et cette abstinence les a transformés en véritables carnivores vivant de leur propre sang.
  3. c) La vérification expérimentale de cette hypothèse. Claude Bernard donne de l’herbe aux lapins : leur urine devient alcaline et trouble. Il les fait jeûner à nouveau pendant trois jours, l’urine devient claire et acide. Il leur donne à manger du bœuf bouilli froid : l’urine reste claire et acide. En faisant varier successivement les paramètres, Claude Bernard a prouvé le caractère véridique de son hypothèse‑postulat.

Des lois à une théorie

Reste l’intégration des différentes lois à l’intérieur d’une théorie qui, elle, ne peut pas faire l’objet d’une démonstration comme celle que venons de décrire. Une théorie permet d’unifier, de façon compréhensive, différentes lois et de leur donner une interprétation différente selon le paradigme adopté. Ainsi les lois de Newton, si l’on en reste aux même conditions d’observation, ne sont pas invalidées par les travaux d’Einstein : le calcul de la trajectoire d’une fusée s’effectue à partir des lois de Newton qui ont servi à aller sur la lune ; et la relativité permet de justifier les équations de Newton dans les cas de faibles vitesses en la rendant démontrable à partir d’une théorie plus générale qui l’englobe. Mais comme l’écrit le physicien Aurélien Barreau « chez Newton, la Terre tourne autour du Soleil parce qu’une force lui impose sa trajectoire elliptique. Chez Einstein, il n’y a plus de force, la Terre avance en ligne « aussi droite que possible » dans l’espace courbé par la présence du Soleil. Du point de vue technique, la seconde description n’est qu’une petite amélioration de la première. » Ce qui change fondamentalement c’est le changement de paradigme scientifique qui donne une interprétation et une compréhension différente d’un même phénomène. Le paradigme est une théorie scientifique qui, pour un domaine donné, constitue un système logique explicatif qui tente de relier de façon intelligible les faits et les différentes lois propres à ce domaine. Mais la théorie au sens strict dans sa fonction de synthèse et d’unification, ne peut pas prétendre au même degré de vérité que celle d’une loi ; il vaudrait mieux parler de véracité, sachant qu’une nouvelle théorie plus large et plus synthétique pourra, sans abolir la vérité des lois particulières établies et démontrées, se substituer à celle qui était établie : tel est la cas de la théorie newtonienne remplacée par la théorie d’Einstein, plus large, plus précise et plus explicative.

(à suivre ici)