La vie a-t-elle un sens ? Une réponse de Nietzsche.

(Méthodologie du commentaire de texte)

Conseils pour la lecture du texte préalable au commentaire :

– lire d’abord, non pas le commentaire qui suivra bientôt ( !), mais le texte de Nietzsche. Il est long et ne correspond pas tout à fait aux critères du baccalauréat car on demande aux professeurs qui choisissent les épreuves de proposer un texte court. Il est toujours rappelé dans l’intitulé du baccalauréat qu’il n’est pas exigé de connaître la philosophie de l’auteur, c’est pourquoi, en toute logique (!), on vous donne le nom de l’auteur du texte ! C’est ce que l’on nomme, dans un chef-d’oeuvre (!) cinématographique que tout le monde connaît, « un piège à cons« .  Et pour ne pas tomber dans le piège qui consiste à essayer de plaquer les connaissances que vous avez éventuellement sur cet l’auteur, contentez-vous de LIRE le texte, CE texte.

Que doit permettre la lecture ? Non pas chercher à découper, tel un poulet, des parties du texte, mais à découvrir LA question du texte et il n’y en a qu’une. Pour ceux qui pensaient éviter la dissertation, c’est le mauvais choix car vous devez, en quelque sorte, réduire le texte à une question semblable à celle posée pour la dissertation ! Ici, ce n’est pas le professeur qui vous donne un sujet ; c’est vous qui devez, non seulement répondre à une question par le commentaire, mais encore, vous qui devez préalablement, tel le professeur, trouver le sujet ! Peine et exigence sont redoublées.

– Quel est l’intérêt de procéder ainsi ? Trouver LA question du texte, c’est mettre à jour le problème qui structurera tout votre commentaire et évitera la paraphrase ; vous n’irez pas de phrase en phrase, selon la ritournelle bien connue : «Dans la première phrase Nietzsche dit que …» ; « Dans la deuxième phrase l’auteur nous dit que …» etc., pour obtenir la brillante note = +/- 6). Mais si vous avez trouvé l’essence du  texte, Vous irez de questions en questions, d’arguments en arguments. (Conseil valable aussi bien pour les dissertations que pour les commentaires de texte : ne jamais commencer un paragraphe par un nom d’auteur ; ne pas le faire, c’est le meilleur moyen de s’assurer que l’on pense la question ou le texte et non pas que l’on est pensé, que l’on répète sans le penser un savoir acquis).

– Lisez maintenant le texte de Nietzsche, en essayant de trouver LA question du texte. Vous trouverez des suggestions à la fin du texte pour vous aider à trouver LA question du texte. Attention, les réponses suggérées semblent assez équivalentes les unes aux autres et pourtant, une seule convient.

Même les rares hommes dont les pensées s’élèvent en général au-dessus d’eux-mêmes n’embrassent pas du regard cette vie universelle, mais seulement des parties détachées et limitées. Si l’on est capable de diriger son observation sur des exceptions, je veux dire sur les grands talents et les âmes pures, si l’on prend leur production pour but de toute l’évolution de l’univers et que l’on prenne plaisir à leur action, on peut alors croire à la valeur de la vie, parce qu’on ne prend pas alors en considération les autres hommes : ainsi l’on pense inexactement. Et de même, si l’on embrasse du regard, à la vérité, tous les hommes, mais qu’on n’attache d’importance en eux qu’à un seul genre de pulsions, les moins égoïstes, et qu’on les innocente à l’égard des autres pulsions ; alors encore une fois on peut espérer quelque chose de l’humanité dans son ensemble et, dans cette mesure, croire à la valeur de la vie : c’est ainsi, en ce cas encore, par l’inexactitude de la pensée. Mais que l’on adopte l’une ou l’autre manière de penser, on est par cette manière une exception parmi les hommes. Or, la grande majorité des hommes précisément supportent la vie sans se plaindre trop fort, et croient ainsi à la valeur de l’existence, mais c’est justement parce que chacun ne veut et n’affirme que soi et ne sort pas de lui-même comme ces exceptions : tout ce qui dépasse leur propre personne est pour eux inaperçu ou aperçu tout au plus comme une ombre ténue. Ainsi là-dessus seulement repose la valeur de la vie pour l’homme ordinaire, commun, qu’il attribue plus d’importance à soi qu’au monde. Le grand manque d’imagination dont il souffre fait qu’il ne peut pénétrer par le sentiment dans d’autres êtres et par là prend aussi peu que possible de part à leur sort et à leurs souffrances. Celui au contraire qui pourrait véritablement y prendre part, devrait désespérer de la valeur de la vie ; s’il réussissait à comprendre et à sentir en soi la conscience totale de l’humanité, il éclaterait en malédiction contre l’existence, car l’humanité n’a dans l’ensemble aucun but, et conséquemment l’homme, en examinant sa marche totale, ne peut y trouver sa consolation, son repos, mais sa désespérance. S’il considère dans tout ce qu’il fait l’absence finale de but pour les hommes, sa propre action prend à ses yeux le caractère de la prodigalité. Mais se sentir gaspillé en tant qu’humanité (et non seulement qu’individu) de même que nous voyons la nature gaspiller ses fleurs une à une, est un sentiment au-dessus de tous les sentiments. — Qui en est d’ailleurs capable ? Assurément un poète seul : et les poètes savent toujours se consoler.

Nietzsche, Humain trop humain I, & 33 traduction que nous avons modifiée d’Alexandre-Marie Desrousseaux.

 

Suggestions pour trouver la question du texte : bien entendu, une seule de ses suggestions est exacte.

 

  • La vie a-t-elle un sens ?
  • La vie a-t-elle une valeur ?
  • Peut-on croire à la valeur de la vie ?
  • Tous les hommes sont-ils égoïstes ?
  • Pourquoi les hommes pensent-ils que la vie a un sens ?
  • L’homme ne pense-t-il qu’à soi ?
  • Faut-il croire à la valeur de l’existence ?

 

Carte de la vie universelle menacée par un virus 

« La nature gaspille ses fleurs une à une » Nietzsche

(la suite est ici)