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Le langage, n’est-il qu’un outil ?

Ce sujet présuppose que le langage soit un outil et invite, dans sa formulation, à envisager d’autres fonctions que celle-ci ou même qu’il puisse échapper à toute fonction. Ainsi, le plan du devoir ne pose pas de problème puisqu’on est tout simplement conduit à adopter et à démontrer la thèse selon laquelle le langage serait bien un outil pour en arriver à envisager d’autres finalités. Précisons toute fois que rien n’est imposé et que l’on n’est pas obligé de suivre ce plan ….

Mais, comme toujours, il faut faire comme si on ne comprenait pas l’intitulé et donner les conditions de possibilité des concepts en présence.

Que faut-il pour qu’il y ait outil ?

un objet quelconque
une organisation plus ou moins complexe de cet objet qui lui permet d’accomplir certaines fonctions en vue d’obtenir une fin : c’est un moyen, un médiateur. On mesurera la complexité de l’outil en fonction de la « quantité de raison » incorporée dans cet objet : soit un simple bâton soit un ordinateur : la différence est criante
– une conscience, mieux une raison qui organise et pense la structure et l’utilité, l’usage, de cet instrument

Que faut-il pour qu’il y ait langage ?

– un élément matériel quelconque (sons, argile etc.)

un arbitraire entre ce support matériel et ce à quoi il sert (en est-il de même pour l’outil ? Tout outil peut-il être arbitraire par rapport à la fonction qu’il remplit ? La réponse est négative pour les outils complexes et vraiment intelligents. Du coup, on aurait ici un argument qui permettrait de ne pas limiter le langage au simple rôle d’outil dans la mesure où il est dégagé de la matérialité (son, lettres écrites) sur laquelle il s’appuie. Même s’il peut être un outil, cette caractéristique du langage fait qu’il peut y échapper)

un système de signes organisé de façon linéaire, doublement articulé. Cette double articulation (décomposition en monèmes et en phonèmes) est véritablement spécifique du langage. (Là encore ce caractère ne se retrouve pas dans la définition de l’outil qui, certes, peut être composé de différents éléments mais chaque élément ne peut pas être décomposé en unités plus petites ayant un sens ou une fonction par rapport à l’outil. On voit donc encore un élément qui échappe à l’identification du langage à l’outil)

– Une conscience, une raison qui est le fondement du langage. C’est en ce sens que Descartes peut écrire qu’être doté du langage est la même chose que d’être doté d’une raison. L’homme est un être de parole et de raison (Est-ce que la pensée, la raison qui se manifestent dans le langage ont-elles nécessairement une finalité utilitaire ? Peut-on réduire la pensée-langage à une simple fonction d’outil ?

La simple énonciation de l’essence de l’outil et du langage ont fait apparaître ce qui permettait au langage de jouer le rôle d’outil mais aussi de voir ce qui, dans sa nature même, lui permet de s’en échapper.

Quelques pistes possibles :

– Généralement quand on demande à quelqu’un la définition du langage, il ne répond pas à la question posée mais une autre qui porte en fait sur sa fonction : le langage est un outil de communication. Au lieu de répondre à la question qu’est-ce que? il répond toujours à la question : à quoi ça sert? Cela montre à l’évidence le rôle utilitaire que l’on accorde spontanément au langage. C’est le moyen le plus efficace et adapté que les hommes ont produit pour agir essentiellement sur les autres. Et dans le monde dans lequel nous vivons qui recherche avant tout la rapidité et l’efficacité dans la transmission de l’information, nous avons de plus en plus tendance à ne voir dans le langage que cette fonction. Et d’ailleurs, ce rôle d’outil que nous accordons au langage fait que nous n’hésitons pas à le déformer, à le façonner, pour qu’il se plie le mieux aux nouveaux objets techniques qui collent au bout des doigts des élèves pendant les cours ….

– On peut même aller jusqu’à dire, que dans les faits, beaucoup d’hommes réduisent le langage à ce seul rôle d’outil. On peut le voir à l’emploi de l’anglais minimal utilisé par la plupart des hommes dans le monde pour pouvoir communiquer l’essentiel de ce que l’on veut signifier. Il n’y a là ni respect de la langue ni pensée véritable mais simple usage d’un instrument utile.

– De même, dans l’univers de la consommation de masse, la publicité et la propagande réduisent le langage à sa seule fonction pragmatique, d’outil efficace pour provoquer un comportement ou une adhésion. Et c’est d’ailleurs, l’emploi que privilégient les sophistes qui apprennent aux hommes à utiliser le langage pour l’emporter au tribunal ou dans les assemblées politiques. Bref, le langage remplit totalement sa fonction d’outil le plus efficace pour agir sur l’esprit des hommes.

– Cependant, s’il est vrai que le langage peut facilement prendre la fonction d’outil, cette conception présuppose une certaine extériorité entre la pensée et le langage : ce dernier ne serait, dans la conception utilitaire que nous avons développée, n’aurait pas de lien intrinsèque avec la raison et la pensée. Or, ce serait ne pas comprendre que langage et pensée sont indissociables, ce que les grecs exprimaient par le seul concept de logos signifiant à la fois raison et langage. Du coup, la réduction du langage à la fonction d’outil constitue une sorte de déchéance et de la pensée et du langage.
– De plus, on peut constater que le langage peut prendre une valeur qui n’est pas liée à celle d’outil. Le linguiste Austin a mis en évidence la fonction performative du langage dans laquelle la parole produit l’acte : « Vous êtes unis par les liens du mariage » : l’énonciation produit l’acte même.
– A cela on peut ajouter que les hommes ont pour spécificité d’accéder à ce que l’on nomme le symbolique. C’est en lui et par lui qu’il donne sens au monde, à la culture dans laquelle il est. C’est dans et par le langage que tout prend sens pour nous.
– Lorsque nous pensons, au sens rigoureux du terme, la fonction utilitaire du langage disparaît car les idées exprimées n’ont pas d’autres finalités qu’elles-mêmes. C’est au contraire quand nous ne pensons plus mais que nous voulons agir sur le monde et sur les autres que nous perdons et la pensée et l’essence du langage. N’est-ce pas ce que la philosophie essaie de préserver en s’opposant par exemple aux sophistes qui réduisaient le langage à la seule fonction d’outil ? Les mots, dans la philosophie authentique, sont l’expression même de la pensée qui n’a pas de finalité utilitaire : ce qui importe pour un sophiste, ce n’est pas de penser mais de l’emporter grâce essentiellement aux effets de rhétorique ; pour cela on ne pense pas les mots que l’on emploie mais on s’en sert comme d’un outil. C’est en ce sens que l’on a pu dire que la philosophie qui est l’unité de la pensée et du langage, n’a pas d’utilité : ni la pensée, ni le langage ne servent à rien.

– C’est peut-être dans le domaine de l’art que se produit le mieux la dissociation entre langage et outil. Certes, on pourrait dire que le langage sert au poète à dire ce qu’il désire et en cela le langage aurait une fonction utilitaire. Mais, en fait, dans la poésie, les mots valent pour eux-mêmes, pour leur qualité sonore, rythmique ; ils n’ont d’autre finalité qu’eux-mêmes. Ils sont autotéliques. La langage poétique est un langage autotélique (qui se pose lui-même indépendamment de toute référence extérieure, de toute utilité. Sartre dans « Qu’est-ce que la littérature? » énonce la même thèse: « Les poètes sont des hommes qui refusent d’utiliser le langage. (…) Le poète s’est retiré d’un seul coup du langage-instrument; il a choisi une fois pour toutes l’attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes. Car l’ambiguïté du signe implique qu’on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers lui la chose signifiée ou tourner son regard vers sa réalité et le considérer comme objet« . Le signe, comme l’outil, renvoie toujours à autre chose que lui-même; dans la poésie et la littérature, le langage ne vaut plus comme signe et comme outil mais comme forme. Et de même que les impressionnistes nous ont fait définitivement comprendre que, dans un tableau, la couleur est couleur de rien, de même, dans la poésie comme dans la pensée véritable, le langage n’est outil de rien.