Dans la série ES, le sujets sont bien équilibrés et devraient permettre au candidat qui a travaillé régulièrement de choisir le sujet qui l’intéresse le plus. Pour ceux qui ont consulté ce site depuis quelques jours, la préparation aura été parfaite, puisque nous avons donné les conditions de possibilité aussi bien de la notion de désir que celle de travail !

1° Peut-il exister des désirs naturels ?

Par rapport au sujet de Pondichéry que nous avons problématisé (voir plus haut), il n’y avait que la notion de naturel à questionner. Supposons que le candidat ne puisse pas définir ce concept, il suffit de le définir négativement par rapport à celui de désir. Mais on oppose le naturel au culturel : ce serait ce qui est indépendamment d’une modification ou apport de la culture donc de ce que peut faire l’homme. Or, qu’est-ce qui caractérise l’homme si ce n’est la conscience comme faculté de se séparer, de nier tout ce qui est (donc la nature). Bref, si vous avez lu le corrigé que nous avions donné, la problématique était toute trouvée. On voit que l’enjeu de la question porte sur la nature de l’homme comme animal naturel (il aurait des besoins naturels) ou comme être culturel (s’il a une conscience, n’est-il pas, par essence, séparé le tout ce qui est naturel)? Le propre de l’homme n’est-il pas de détourner tout ce qui pourrait apparaître comme naturel pour le constituer comme désir culturel ?
Rappelons les conditions de possibilité sur lesquelles on pouvait jouer :
désir suppose manque non pas de quelque chose (ici ce quelque chose serait ce que l’on qualifie de naturel) mais manque de on ne sait quoi, de non déterminé. Pourquoi ? Parce que la source du manque n’est autre que la conscience qui nous sépare toujours de ce qui est (ici de ce que l’on pourrait dire de naturel qui n’est que ce qu’il est). S’il y a conscience, il y a toujours négation de ce qui est, donc du naturel ! D’où le problème posé. Mais, à cela, on pourrait rajouter que le désir renvoie au temps et aussi à autrui : mon désir est toujours désir de l’autre, ce qui veut dire à la fois qu’il porte sur autrui mais aussi que c’est l’autre qui produit en moi mon désir (voir le corrigé donné sur Pondichéry). S’il y a autrui, il y a culture et donc négation de la nature : il ne peut pas y avoir de besoins naturels. Et l’on pourrait prolonger cela avec le désir qui est temps (voir encore corrigé cité) : si le désir est temps, il ne peut pas se contenter de ce qui est naturel, de ce qui est donné dans une sorte d’éternité.

Sur le fond, on pourrait jouer sur la confusion entre besoin et désir (voir encore le corrigé) et dans une partie montrer qu’il existe des désirs (en fait, comme on le verra plus loin, des besoins) naturels (comme le fait de manger, de se reproduire etc.). C’est d’ailleurs l’idéal du sage épicurien de revenir à des besoins nécessaires et naturels. Mais si l’on en revient aux conditions de possibilité du désir comme manque, créé par la conscience, de … on ne sait quoi, la possibilité d’existence de désirs naturels auxquels tant d’élèves croient (avant d’avoir réfléchi) ne peut pas être soutenue. La nourriture, la sexualité ne répond pas à des besoins chez l’homme mais à des désirs qui nient toujours le naturel : comme l’écrit Marx, « La faim est la faim, mais la faim qui s’apaise avec de la viande cuite, que l’on mange avec un couteau et une fourchette, est autre qu’une faim qui avale la chair crue à l’aide des mains, des ongles et des dents. » Merleau-Ponty, montre qu’en un sens, tout est naturel chez l’homme mais qu’en même temps, rien ne l’est :  » il est impossible de superposer chez l’homme une couche de comportements que l’on appellerait « naturels » et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite, qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique et qui, en même temps, ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie équivoque qui pourrait servir à définir l’homme« . On ne peut pas chez l’homme séparer distinctement les différentes couches, physiologiques, biologiques, psychologiques, sociologiques, historiques etc. qui constituent son être et on ne peut pas réduire ce comportement ni à son être biologique ni à ses déterminations culturelles. Mais, l’idée que l’on peut garder ici est qu’il n’existe pas de comportement alimentaire chez l’homme qui puisse être déterminé uniquement par sa détermination purement biologique. L’homme n’est pas un être de besoin mais de désir et il n’y a rien en lui de naturel. Et lorsque les épicuriens nous disent qu’il peut y avoir des désirs naturels, si l’on y prête attention, seul le sage peut véritablement en avoir et, surtout, on peut constater qu’il ne s’agit plus que de besoins (boire de l’eau seulement). Il ne peut exister des besoins naturels que pour des êtres qui ne sont pas humains (les animaux non cultivés (dénaturés) par leur maître) ou supra-humains (le sage qui veut être semblable aux dieux).

En conclusion, le seul travail de définition des concepts permettait de maîtriser un tel sujet.

2° Travailler, est-ce seulement être utile ?

Nous ne revenons pas sur le fait qu’il est indispensable de connaître les conditions de possibilité du travail ; ici il fallait les confronter à la notion d’utilité. Il fallait bien montrer à son lecteur sur quoi porte l’intitulé. Il veut obliger à réfléchir sur la finalité, les fonctions possibles du travail.

Quelles sont donc les conditions de possibilité de travail ? ou quelle est l’essence du travail?

– La condition majeure pour qu’il y ait travail, est la présence d‘une production qui peut être de nature matérielle et/ou intellectuelle.

– Mais toute production n’est pas du travail au sens fort du terme. D’ailleurs, on peut se demander, à la suite d’Aristote et de Marx, si l’abeille qui construit des alvéoles à la façon d’un architecte ou l’araignée qui tisse une toile à la manière d’un tisserand, travaille. La réponse est négative car l’activité de travail exige que la production soit pensée, réfléchie. En d’autres termes, avant de produire un objet quelconque, le travailleur doit avoir dans son esprit la forme qu’il veut imposer à la matière, ce qui suppose une pensée, une conscience, une raison. –

– Avons-nous pour autant trouvé l’essence du travail, ce qui fait que nous avons affaire à du travail et non pas à un loisir ? Pas encore, car dans le loisir, nous pouvons avoir une production réfléchie alors que nous ne parlerons pas évidemment d’activité de travail. Il faut donc faire apparaître une troisième condition de possibilité du travail, à savoir, une contrainte. Il n’y a de travail que si l’activité productrice possède, à des degrés divers, une part de contrainte. Inversement si celle-ci disparaît, le travail disparaît.

On voit donc que pour qu’il y ait travail au sens fort du terme, il faut qu’apparaissent nécessairement les trois conditions de possibilité : production, pensée, contrainte.

Reste alors à se demander en quoi ces 3 conditions production, pensée, contrainte sont utiles. Il n’est pas difficile de le montrer pour la production mais un peu plus difficile pour la pensée et la contrainte. Mais on peut dire que le travail permet à l’homme de développer sa pensée, sa raison et que la soumission à la contrainte a une valeur éducative.

Reste alors à se demander si l’homme peut trouver un autre finalité que l’utilité au fait de travailler ? Il serait facile de chercher d’autres voies dans la recherche du sens.
L’enjeu porte en fait sur le type de philosophie auquel on adhère. Dans le cadre d’une philosophie utilitariste, tout ce que nous faisons correspond à une utilité. La question ne serait pas alors de savoir si le travail peut avoir d’autres finalités que l’utilité mais plutôt d’évaluer, d’accorder des valeurs différentes aux différentes fonctions remplies par le travail : production, richesse, possibilité d’échange, formation de soi, développement de la pensée, humanisation, rédemption de l’homme. Et même si l’on ne veut pas adhérer à une philosophie utilitariste (pourtant dominante inconsciemment chez les élèves posant de façon désespérée la question « A quoi ça sert? »!), on n’oubliera pas que l’homme ne s’est pas mis à travailler volontairement et librement mais parce qu’il a été contraint de le faire.

3) sujet :

« En morale, les règles éternelles d’action ont la même vérité immuable et universelle que les propositions en géométrie. Ni les unes ni les autres ne dépendent des circonstances, ni des accidents, car elles sont vraies en tout temps et en tout lieu, sans limitation ni exception. « Tu ne dois pas résister au pouvoir civil suprême » est une règle qui n’est pas moins constante ni invariable pour tracer la conduite d’un sujet à l’égard du gouvernement, que « multiplie la hauteur par la moitié de la base » pour mesurer la surface d’un triangle. Et de même qu’on ne jugerait pas que cette règle mathématique perd de son universalité, parce qu’elle ne permet pas la mesure exacte d’un champ qui n’est pas exactement un triangle, de même on ne doit pas juger comme un argument contraire à l’universalité de la règle qui prescrit l’obéissance passive, le fait qu’elle ne touche pas la conduite d’un homme toutes les fois qu’un gouvernement est renversé ou que le pouvoir suprême est disputé.
Il doit y avoir un triangle et vous devez vous servir de vos sens pour le connaître, avant qu’il y ait lieu d’appliquer votre règle mathématique. Et il doit y avoir un gouvernement civil, et vous devez savoir entre quelles mains il se trouve, avant qu’intervienne le précepte moral. Mais, quand nous savons où est certainement le pouvoir suprême, nous ne devons pas plus douter que nous devons nous y soumettre, que nous ne douterions du procédé pour mesurer une figure que nous savons être un triangle. » Berkeley

Quel est l’essence de ce texte ? Il s’interroge sur la façon dont nous devons obéir dans le domaine politique mais surtout de la morale ? La thèse consiste à affirmer que nous devons obéir à un pouvoir reconnu de façon passive ? Pour la démontrer,l’auteur compare la façon dont notre esprit se rend aux vérités géométriques (universalité, éternité, immuabilité) et celle que le même esprit devrait avoir dans le domaine politique et moral? Mais cela est-il fondé ? Telle est la question qui devrait permettre à la fois d’expliquer la pensée de l’auteur et de la discuter. Quand nous adhérons à une vérité mathématique, cela est la conséquence d’une adhésion venant de la raison démonstrative. Même si nous acceptons de dire que la morale présente ce caractère d’universalité, l’adhésion est-elle de même nature que dans la science ? Ainsi Kant qui développe une morale fondée sur la raison universelle ne parle pas de démonstration à propos de la loi morale mais seulement de respect qui n’est pas purement rationnel (comme la démonstration scientifique) mais qui est un sentiment, certes particulier, mais qui n’en reste pas moins un sentiment.