Comme pour toutes les dissertations, on doit chercher à mettre en place une problématique. Celle-ci surgit d’elle-même en déployant toutes les conditions de possibilité des notions proposées (ici le bonheur). Si l’on a appris ces conditions de possibilité ou essence des notions du programme, il reste à les comparer au concept qui n’est pas au programme, ici, la notion de repos. La question pour vous devient celle-ci : quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’il y ait repos ? Et là, on note que la plupart des élèves (et parfois des professeurs …) se révèlent incapables d’effecteur ce travail d’analyse (c’est normal … c’est le travail que Socrate exigeait de ses différents interlocuteurs compétents dans leur domaine (art, religion, politique, discours etc.) mais ils n’y parvenaient jamais. On peut lire ici les exigences minimales d’une réflexion philosophique pour une dissertation. (Pour un développement plus développé c’est ici)
Mais supposons que vous ne parveniez pas à analyser cette notion (ici le repos) que vous n’avez pas étudiée en classe puisque ne figurant pas dans l’intitulé officiel du programme, il y a un moyen intelligent de s’en sortir tout en problématisant !!! Il suffit de partir de ce que vous avez appris, ici l’essence du bonheur, de toutes les conditions de possibilité et de voir si elles s’opposent ou au contraire s’harmonisent avec celle de repos : si l’on vous demande de problématiser les rapports entre le bonheur et le repos, c’est qu’il y a des liens possibles entre ces deux notions ! Appliquons cela à partir des conditions de possibilité du bonheur que nous avons donnée plusieurs fois sur ce site et par exemple ici dans un sujet sur les rapports en bonheur et liberté .
1° Le bonheur est un état ; qu’en est-il du repos ? Il est évident que c’est aussi un état c’est-à-dire une situation qui est de l’ordre de l’être, du stable qui donne en français … stabulation qui est le lieu où les vaches se … reposent ! On pourra revenir sur nos vaches en état de repos et peut-être de bonheur … si nous savons (avant la nouvelle réforme de l’éducation) que ce qui est stable vient du latin stare qui veut dire « se tenir », et qui donne français stance. Le chasseur dit que son chien est en stance quand il est en arrêt, qu’il reste immobile, sans bouger ou agir, devant une proie que son activité lui a permis de découvrir. Est-il pour autant en repos ?
On peut, pour affiner notre analyse, partir d’expressions que l’on emploie dans la vie quotidienne comme celle de « journée de repos pour les coureurs » ou de « journée de repos chez l’élève » qui arrête de (ré)viser son bac. Cela signifie qu’ils n’ont pas besoin d’être en action, d’accomplir leur tâche habituelle d’athlète en compétition ou d’élève « travaillant ». Mais durant cette journée, ne peuvent-ils pas faire autre chose ? Si c’est le cas, le repos se définirait de façon seulement négative comme ce qui se distingue de l’activité habituelle ? N’y a-t-il pas une définition positive du repos ? Et tout état est-il du repos ? Ici, le bonheur, comme état, est-il de même nature que le repos, comme état ? Nous avons déjà, sans aucune difficulté, découvert un premier problème, une esquisse de problématique !
Le bonheur se trouve-t-il dans le pré ou dans la stabulation ?
2° Le bonheur nécessite un état de satisfaction. Essayons toujours de mettre en place l’essence (ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est et non pas autre chose) du repos en comparant celui-ci à l’essence du bonheur que nous avons apprise avant de nous soumettre à l’épreuve du bac ! La question logique devient (et on peut l’écrire dans son devoir !) : la satisfaction fait-elle partie des conditions nécessaires et suffisantes (de l’essence) du repos ? Ce qui revient à se demander : tout état de repos est-il satisfaisant ? Certes, pour l’ouvrier au travail aliénant, le temps du loisir et du repos ne peut apparaître que comme satisfaisant, mais pour l’athlète blessé ou l’élève surmené qui doit s’en tenir à un repos forcé, il n’en est pas de même. On pourrait d’ailleurs trouver dans l’expression « qu’il repose en paix » (« Requiescat in pace ») que l’on prononce devant un mort ou que l’on écrit sur les stèles funéraires, l’indétermination de la qualité du repos : si l’on prend la peine de souhaiter à un mort la paix dans son repos, c’est que celui-ci n’est pas, par essence, apaisé (ce que nous verrons par exemple chez Pascal). Cela nous montre que la satisfaction ou l’insatisfaction ne semblent pas faire partie de l’essence du repos, qu’elles n’en sont qu’une qualité contingente, accidentelle.
Nous venons de mettre à jour un nouveau problème que l’on peut formuler ainsi, en essayant de ne pas répéter le concept de bonheur et de repos : comment ce qui, par essence, exige satisfaction (le bonheur) pourrait-il se situer dans un état (le repos) qui, par essence, ne l’exige pas et, parfois même, l’exclut? Nous avons déjà ici un plan possible pour ce devoir : rien n’interdit, par essence, que le bonheur se trouve dans le repos mais rien n’interdit non plus qu’il ne s’y trouve pas, puisque la satisfaction ne fait pas partie de l’essence du repos. Bref, la question qui nous est posée n’est pas absurde (bonheur et repos peuvent coïncider) mais nous savons qu’il n’y a pas qu’une seule réponse possible .. et bien entendu le correcteur n’attend pas de lire SA réponse mais le vôtre ARGUMENTÉE.
Cela nous contraint à approfondir la nature du repos : ne se définit-il que de façon différentielle et oppositive à une activité habituelle, le plus souvent, contrainte (le travail) ? Le repos serait alors ce que n’est pas l’activité de travail ? Et si, au cours de notre temps de repos, nous menons d’autres activités, sommes-nous toujours en repos car nous avons dit que le repos est un état, pas une activité ? Le repos exige-t-il, au sens fort, la suspension de toute action ? Y aurait-il des moments que nous nommons repos, qui n’en seraient point ? Ne peut-on pas donner une définition positive du repos (et pas seulement négative). Quelle qualité le repos devrait-il présenter pour coïncider avec le bonheur ?