Dépend-il de nous d’être heureux ?
Ce sujet ne porte pas sur l’essence du bonheur (même s’il est évident qu’on ne peut pas traiter correctement ce sujet si on ne la connaît pas) mais il pose une question à propos de son advenue ou, plus précisément sur les modalités de son advenue. Comme toujours, il faut analyser l’intitulé pour tenir compte de son caractère singulier et pour en faire surgir une problématique. Même l’expression « être heureux » peut être questionnée car elle est tautologique : par définition le bonheur est un état ; il est de l’ordre de l’être, de l’éternité. Si le bonheur est, il est ! Un bonheur qui pourrait changer, devenir autre que ce qu’il est, ne serait pas du bonheur. C’est pourquoi l’expression être heureux constitue un pléonasme qui nous montre la difficulté qu’il y a à nommer correctement le bonheur et à s’y rapporter, au moins, dans le discours.
Se préparer à la dissertation, c’est s’assurer que l’on est en mesure de donner les conditions de possibilité de toutes les notions qui sont au programme, ici, celle de bonheur. Pour cela, on peut se servir de la définition du bonheur au sens fort, donnée par Kant dans sa Critique de la raison pure : « le bonheur (Glüchseligkeit) est la satisfaction de toutes nos inclinations (die Befriedigung aller unserer Neigungen) tant en extension, c’est à-dire en multiplicité, qu’en intensité, c’est à dire en degré, et en protension, c’est à dire en durée». De cette définition, on peut déduire que pour qu’il y ait bonheur il faut :
– une satisfaction (de satis qui signifie assez)
– une satisfaction totale, pleine
– cette satisfaction doit avoir une intensité maximale
– cette satisfaction doit présenter une durée maximale : ainsi le bonheur est un état stable, permanent, qui dure, en quelque sorte, éternellement. (Il suppose donc sortie de la conscience et du temps)
Si on lit attentivement l’intitulé (ce qu’il faut toujours faire, même si vous SAVEZ), on note qu’il associe sous des modalités qu’il nous faudra préciser (c’est toute la question ici) le « nous » au bonheur. Quel est ce nous ? A qui renvoie-t-il ? Ici, ce ne peut être qu’à l’homme ; or ce qui caractérise l’homme, c’est la conscience c’est-à-dire la faculté qui nous sépare, nous éloigne, nous abstrait de ce qui est. C’est ce qui fait que nous sommes plongés dans le temps qui nous sépare toujours du présent que nous vivons : s’il y a conscience, il y a temps ; la conscience est temps. Mais alors comment ne pas voir un premier problème : si nous sommes temps, comment pourrions-nous, sans nier notre être, nous rapporter à ce qui est, par définition, en dehors du temps, à savoir, le bonheur ? Comment pourrait-il y avoir un lien entre le temps et ce qui est en-dehors du temps, à savoir l’éternité du bonheur ?