(ce qui précède est ici)

Chercher un paradoxe.

Y avait-il un paradoxe dans le sujet d’Ecricome de 2010, « Pauvreté des images, richesse de l’imagination » ? (Cette question nécessaire, devant tout intitulé, peut être traitée, même par ceux qui réfléchiront l’an prochain sur le thème de la société : faire cet effort constitue la meilleure des préparations possibles !) On peut penser que sa simple découverte permet aux candidats d’obtenir la moyenne ! (Il en sera de même l’an prochain sur le thème de la société puisque nous voulons dégager ici les caractéristiques permanentes d’une réflexion de nature philosophique !) Certes, sa simple énonciation ne suffit pas (nous ne sommes dans le déclenchement d’un réflexe conditionné) mais, pour le correcteur, le lire, en début de devoir montre, de façon incontestable, que l’étudiant a compris ce qui est exigé de lui dans une dissertation de nature philosophique, à savoir l’étonnement, l’écart, la distance. Il est très rare, dans les faits, que la copie perde ensuite toute valeur et sombre dans une simple récitation d’un cours et qu’elle n’obtienne pas la moyenne.

Qu’est-ce qui, dans cet énoncé, ne pouvait pas ne pas étonner un candidat qui a compris ce qu’est une dissertation philosophique et non pas un devoir d’histoire ou d’économie ? On accorde ici que l’imagination est riche. Or, par définition, l’imagination est une faculté qui produit des images. Certes, il peut y avoir des images qui ne proviennent pas de l’imagination comme c’est le cas de photos qui n’ont pas de prétention esthétique (photos d’une réunion de famille ou de camarades) et qui représentent une réalité quelconque. Mais dans le cas de l’imagination productrice d’images, on peut se demander comment cette richesse pourrait avoir pour résultat la mise en place d’images pauvres ! Comment de la richesse pourrait-elle produire de la pauvreté ? Par quel mystère l’imagination riche en elle-même pourrait-elle accoucher de qualités opposées, à savoir, des images pauvres ? N’est-ce pas là une contradiction qui réside dans le cœur même de l’intitulé ?

Ce simple écart par rapport à l’intitulé est le signe de l’étonnement philosophique qui est exigé des candidats qui veulent obtenir une note correcte. Et contrairement aux légendes qui courent sur l’arbitraire des correcteurs dans cette discipline, tout le monde comprend la différence entre une copie pleine de connaissances mais médiocre car non-philosophique (qui ne doit pas obtenir la moyenne) et la copie qui montre un savoir nettement moindre par rapport à la précédente mais qui manifeste une interrogation de nature philosophique (mise en évidence d’un paradoxe constitutif du sujet). Et on notera qu’il ne s’agit pas ici de faire montre d’une capacité intellectuelle hors du commun : faire une dissertation philosophique, c’est simplement adopter une autre façon d’envisager un énoncé ; c’est changer d’attitude par rapport à ce qui est donné (ici un intitulé qui n’est pas la question).

(à suivre ici)