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Les œuvres d’art éduquent-elles notre perception ?
Il s’agit d’un sujet plus difficile qu’on pourrait le penser au à premier abord car il nécessite de bien penser la spécificité de ce que l’on nomme œuvre d’art, perception et surtout éducation. Il est probable que la bonne copie sera celle qui aura pris au sérieux ce concept d’éducation. Il ne s’agit pas de réduire la perception de l’œuvre d’art à la seule connaissance mais le sujet nous invite à nous demander s’il n’y aurait pas une véritable fonction formatrice donnée par l’œuvre d’art dans notre façon de voir le monde. Ainsi l’œuvre d’art serait à même de structurer notre regard et notre façon de saisir le monde. Il est en effet banal de dire que l’on ne perçoit plus de la même façon un champ de blé après avoir vu les tableaux de Van Gogh ou la cathédrale de Reims peinte par Monet; Paul Valéry écrit qu' »une oeuvre d’art devrait toujours nous apprendre que nous n’avions pas vu ce que nous voyons ».

De plus, on sait que dans certaines cultures et religions, on se méfie et on condamne les œuvres d’art qui auraient le pouvoir de structurer notre façon de percevoir et de penser le monde. La méfiance envers les œuvres d’art révèle donc leur pouvoir réellement éducatif. Mais on sait, pour ne prendre qu’un exemple, que le catholicisme a vu dans les sculptures romanes des chapiteaux un rôle éducatif et instructif quant aux fins humaines et métaphysiques que l’homme devrait poursuivre. Parfois, les religions ont vu dans la musique, par exemple, une capacité de détourner l’homme des finalités religieuses ; aujourd’hui les hommes vont dans une église écouter une passion de J. S. Bach dans une finalité qui n’a plus rien de religieuse (voir ce que nous disons plus loin). Il n’en reste pas moins que, comme l’écrit Marx,  «L’objet d’art crée un public apte à comprendre l’art et à jouir de la beauté » (voir un développement ici).
Cependant, les meilleurs élèves pourraient remettre en question l’usage du concept de perception dans le domaine de l’art. Dans le langage courant, on dit qu’on perçoit une œuvre d’art mais en toute rigueur il ne s’agit pas de perception : on ne perçoit pas une oeuvre d’art, on la sent ; elle est de l’ordre du sentir et non de la perception. C’est donc à une expérience originale et singulière que l’œuvre d’art nous invite ; elle ne nous éduque pas à percevoir (quand nous percevons un tableau et que nous disons que nous reconnaissons des personnages ou des paysages, nous ne sommes pas dans l’œuvre d’art mais dans le perception habituelle et commune) mais à vivre une expérience qui abolit la conscience (nécessaire à la perception) et les ob-jets (nécessaire à la perception au cours de laquelle un sujet s’oppose à des ob-jets) et que l’on nomme sentir. (voir le développement ici sur percevoir et sentir : percevoir n’est pas sentit ni imaginer)
Dans l’œuvre d’art, nous ne percevons pas mais nous sentons. Elle nous éduque donc pas à la perception mais, au contraire, elle nous déprend de la perception.