Révison du Bac philo par le foot.
Certains sites internet essaient par la chanson ou par l’actualité de faire réviser le bac philo de façon moins douloureuse. Il s’agit d’un moyen de pédagogie qui peut se révéler utile. Mais nous pensons qu’il peut être, au contraire, très dangereux pour les « amateurs » qui, tout au long de l’année, n’ont suivi leurs cours de philo qu’à travers la médiation de leur téléphone portable. Car le danger serait de croire que l’on peut penser facilement en partant de l’actualité. Or il est plus facile de faire un devoir de philosophie en partant de la connaissance des philosophes que de la vie quotidienne. Car les propositions que l’on doit avancer dans un devoir de philosophie doivent avoir une valeur universelle alors que la vie quotidienne ne nous livre que des cas particuliers ou singuliers dont il faut extraire  ce qui peut avoir une valeur universelle (c’est que l’on appelle penser). Or l’élève fatigué pour ne pas dire fainéant ne peut pas penser : il ne peut qu’énoncer des banalités serties de préjugés car il ne peut pas conceptualiser.
Essayons tout de même de réviser quelques concepts à partir de la défaite malheureuse (pour elle) de l’équipe espagnole (1-5) devant les hollandais.
Faut-il l’attribuer à un individualisme forcené qui verrait en autrui (donc à ses partenaires de « l’équipe ») l’obstacle à ma liberté ? Peut-il y avoir une équipe (plus généralement une société au sens fort du terme), si chacun voit en l’autre la négation de sa liberté? « M’engager envers autrui, est-ce renoncer à ma liberté ? » (Bac 85). Cela oblige à s’interroger sur la nature de la liberté. Certes, si c’est bien chaque sujet qui ressent la liberté ou l’aliénation, faut-il penser que le fait de s’investir dans un but commun ne peut se faire qu’au détriment de ma liberté ? Bien entendu, on dépassera la conception commune et idiote qui consiste à affirmer qu’être libre, c’est faire ce que je veux quand je le veux (voir plus loin, les conditions de possibilité de la liberté). Mais pour en revenir à une équipe de foot, il y a bien longtemps que les joueurs espagnols avaient compris que leur engagement total dans une équipe, loin de diminuer leur liberté ne faisait que l’augmenter. Et, paradoxalement, c’est l’équipe de Hollande, comme l’équipe de France de 2002 sq., qui était plus susceptible (puisque ayant des joueurs à l’ego démesuré, refusant de jouer là où le sélectionneur leur demandait d’être comme Nasri ou Benzema qui n’aiment pas la gauche !) de penser que l’engagement envers autrui ne pouvait faire que renoncer à la liberté ? Et pourtant, au cours du match l’engagement de tous envers tous, loin de les aliéner, a permis que se réalise la liberté de chacun et de tous. Par conséquent s’obliger à suivre une loi commune (voir Rousseau), loin de poser autrui comme le négateur de ma liberté, constitue celui-ci comme condition de possibilité d’existence de ma propre liberté !

2° Faut-il penser plutôt, en regardant les joueurs espagnols trottiner sur le terrain comme des vieux cacochymes, que « La liberté humaine est limitée par la nécessité de travailler ? » (bac 99). Car, n’oublions pas que le sport qui, pour nous, est un loisir, représente un travail pour nos footballeurs professionnels. Cela nous permet de réviser la notion de travail !
Quelles sont donc les conditions de possibilité de travail ? ou quelle est l’essence du travail?

– La condition majeure pour qu’il y ait travail, est la présence d‘une production qui peut être de nature matérielle et/ou intellectuelle (dans notre exemple, la production n’est autre que le fait de jouer un match)
– Mais toute production n’est pas du travail au sens fort du terme. D’ailleurs, on peut se demander, à la suite d’Aristote et de Marx, si l’abeille qui construit des alvéoles à la façon d’un architecte ou l’araignée qui tisse une toile à la manière d’un tisserand, travaille. La réponse est négative car l’activité de travail exige que la production soit pensée, réfléchie. En d’autres termes, avant de produire un objet quelconque, le travailleur doit avoir dans son esprit la forme qu’il veut imposer à la matière, ce qui suppose une pensée, une conscience, une raison. (le footballeur pour être un bon travailleur ne doit pas être ce que l’on nomme vulgairement un pur bourrin).
– Avons-nous pour autant trouvé l’essence du travail, ce qui fait que nous avons affaire à du travail et non pas à un loisir ? Pas encore, car dans le loisir, nous pouvons avoir une production réfléchie alors que nous ne parlerons pas évidemment d’activité de travail. Il faut donc faire apparaître une troisième condition de possibilité du travail, à savoir, une contrainte. Il n’y a de travail que si l’activité productrice possède, à des degrés divers, une part de contrainte. Inversement si celle-ci disparaît, le travail disparaît.
On voit donc que pour qu’il y ait travail au sens fort du terme, il faut qu’apparaissent nécessairement les trois conditions de possibilité : production, pensée, contrainte.
[Les erreurs de définition.
– L’erreur la plus fréquente dans la définition consiste à répondre en termes de finalité : « le travail sert à … », or la fonction du travail ne nous dit pas en quoi il consiste, son essence.
– De même la rémunération ne fait pas partie de l’essence du travail car il peut y avoir des situations dans lesquelles les hommes ont été forcés à travailler au sens fort du terme sans être rémunérés.
– Le travail de définition est le plus difficile qui soit et on peut en trouver la preuve en cherchant en vain dans la plupart des manuels ou dictionnaires, une définition correcte de ce concept !]
On voit donc la problématique surgir : comment concilier la liberté et ce qui comporte une part de contrainte (le travail) ? (Ne soyons pas trop méchants avec certains footballeurs en faisant remarquer que le travail exige une pensée, une réflexion … et il en est de même pour la liberté qui exige raison, pensée). Et laissons la question de savoir si le travail d’un footballeur professionnel limite leur liberté…

3° Troisième et derrière piste qui nous entraîne vers des notions qui tombent souvent au baccalauréat, à savoir, le désir et le bonheur. Nous savons que cette équipe espagnole a, depuis quelques années, atteint les plus belles récompenses, donc le bonheur. Ne pourrait-on pas penser qu’ayant atteint cet état, tout désir, donc tout manque, a disparu chez eux : «  »Le bonheur consiste-t-il à ne plus rien désirer? » (Bac 2002). Quand on est heureux, il n’y a plus de manque, donc de désir ; d’où l’état d’apathie et d’ataraxie de l’équipe espagnole …. On pourra lire sur ce site la problématisation du sujet : « Le bonheur est-il affaire de chance ? » [certainement avec certains arbitres qui sifflent des pénaltys imaginaires en votre faveur avec la bénédiction d’un Platini qui, tel le Platon du XXIe siècle, méprise la technique et dont on sait ce qu’il répondrait au sujet suivant : « Est-il juste d’affirmer que l’activité technique dévalorise l’homme ? » bac ]

4° A moins que les footballeurs espagnols aient été tout simplement prisonniers de leur corps fatigués :  Sur la liberté et le corps : « Mon corps fait-il obstacle à ma liberté ?