Il nous reste à analyser le concept le plus difficile, celui de réel qui est, en fait, indéfinissable car il n’a pas de limite définie, ce qui ne signifie pas qu’il faut dire n’importe quoi à son propos ! L’intitulé cependant nous donne déjà quelques limites puisque l’on envisage le réel sous l’angle de la compréhension. Comprendre peut nous conduire dans deux directions :
– l’une, proche de l’étymologie, cum-prehendere, signifie prendre ensemble, embrasser quelque chose : nous avons vu le paradoxe qui porte sur ce sens et qui s’exprime ainsi : comment ce qui nécessite, recul, écart, distance pourrait être en mesure d’embrasser le réel ?
– le second, qui découle du premier, se rapporte à la signification, à la compréhension de ce qui est. Le paradoxe porterait plus ici sur le discours (le logos) qui, par définition, est à l’écart du réel : on ne peut dire une chose qu’en étant à distance de cette chose.
Mais comment expliciter cette notion de réel ? Bien entendu, l’homme du commun pose comme réel ce qu’il perçoit et ce qui résiste à ce qu’il fait. Mais tous ceux qui ont entendu parler du mythe de la caverne savent que pour Platon, le réel n’est pas ce qui se perçoit (tout au moins avec les sens) mais ce qui ne peut pas être perçu, à savoir, les Idées. Il serait toutefois possible, sans multiplier les domaines, jouer sur les réels et non pas le réel : le réel de la perception, le réel des sciences (en fait le réel mathématique n’est pas de même nature que le réel du physicien ou des sciences de l’homme), le réel de l’art. (Il est évident que le mathématicien qui, tel Dieu, crée son réel (sa langue, ses objets, ses critères de vérité), peut grâce à la raison comprendre le réel qu’il a lui-même construit. Bien entendu cela ne veut pas dire que tout est connu et déduit dans ce réel mais il n’y a pas d’impossibilité en droit pour la raison de comprendre le monde qu’elle a créé. La question est moins simple pour le physicien, surtout quand on pense à la mécanique quantique que la raison d’Einstein ne pouvait accepter : le réel du physicien oblige à penser une autre raison ou une autre forme de raison mais qui ne s’oppose pas à la compréhension par la raison de ce nouveau réel. Mais comment la raison du psychologue peut-elle comprendre un réel, celui du désir, qui est de l’ordre de l’imaginaire ? C’est pourtant la tentative de rationalisation accomplie par Freud dans la psychanalyse. Mais dans le domaine de l’art, la raison est inapte à saisir ce réel particulier qui est celui du sentir).
Mais dans la mesure où le sujet emploie l’article défini et ne parle que d’un réel, la question est en fait uniquement métaphysique car LE réel, c’est ce qui viendrait unifier la totalité de ce qui est. Bref, la question est extrêmement difficile à traiter. Donnons quelques indications : si nous considérons comme Platon que le réel, c’est le monde intelligible, le monde des Idées, s’il est vrai que la raison est l’arme du philosophe, la saisie de l’Idée de Bien (Le Réel) ne se fait que par une contemplation et non par un discours tenu par la raison. De même chez Kant, la raison doit laisser place à la foi quand nous atteignons les principes qui unifient ce que nous nommons le réel.
Moralité : si vous n’êtes pas au point, ne prenez pas un sujet où figure le concept de réel qui demande à la fois subtilité et savoir … Et maintenant, faudrait aller se coucher pour ne pas dormir demain sur sa copie …