La raison peut-elle comprendre le réel ?

Beaucoup de sujets en 2013 comportent le concept de réel qui est l’un des plus difficiles à maîtriser (« Connaître le réel, est-ce le dominer ? » Washington 2013). Alors, essayons de déblayer un peu le terrain pour essayer d’éviter et les banalités et les généralités.

Pour qu’il y ait raison, il faut qu’il y ait :

Conscience, c’est-à-dire la capacité de se séparer de, de prendre une distance par rapport à ce qui est. Et l’on voit déjà apparaître un premeir problème ! Si la conscience est séparation, scission comment pourrait-elle saisir (comprendre) ce dont elle se sépare par nature (le réel) ?
Cependant, s’il est nécessaire de disposer d’une conscience pour qu’il y ait raison, celle-ci ne constitue pas une condition suffisante. Que l’on songe à l’enfant de quelques années dont on ne peut pas dire qu’il dispose d’une raison. On pourrait faire le même raisonnement pour le malade mental (même si depuis quelques années, sous la pression d’une idéologie politique perverse, cela est remis en question). Celui-ci, dans la plupart des cas est conscient de ce qu’il fait mais la maladie qu’il présente ne lui permet pas de disposer de sa raison : c’est pourquoi, dans les pays démocratiques et respectueux des droits de l’homme, celui qui a perdu la raison au moment où il commettait un acte, n’est pas jugé mais soigné.

Faculté de porter des jugements qui consistent à pouvoir articuler correctement le général et le particulier. Manquer de jugement, c’est se montrer incapable de donner, par exemple, la portée et le sens véritable d’un cas particulier pour en faire un cas général. C’est ce que l’enfant ne peut pas faire mais également l’adulte quand il se laisse aller à ses pulsions, à ses passions qui absolutisent sa situation personnelle sans passer par des considérations valables pour tous, universellement. On peut ici donner l’exemple de la morale kantienne (mais bien entendu, cette caractéristique de la raison ne se limite pas à la morale) qui demande à chaque sujet de se demander s’il peut sans contradiction universaliser la maxime, le principe, de son action.

Parole argumentée et discutée : c’est la conséquence de ce qui précède. La raison est logos, discours logique, argumenté ; elle ne peut pas se contenter de simples affirmations, intuitions ou croyances. Ainsi, il ne suffit pas à Einstein (pourtant déjà prix Nobel) d’affirmer qu’il n’accepte pas certaines propositions de Bohr concernant la physique quantique : il faut qu’il fournisse des contre-propositions testables (appelées paradoxe EPR, abréviation de Einstein-Podolsky-Rosen) susceptibles d’invalider les thèses de ce dernier (et, depuis, on a pu mettre en place des dispositifs expérimentaux rationnels qui démontrent qu’il avait tort). La parole, même d’un savant reconnu, n’a pas de valeur en soi : elle doit être argumentée et apporter les preuves universalisables de ce qu’elle énonce.

– Si la raison est une parole argumentée, fondée, on voit qu’une autre condition de la raison, c’est l’idée de principe, de fondement que l’on trouve dans l’expression raison d’être.

Problématisation provisoire sans avoir encore analysé le concept de réel !!

On a déjà vu des paradoxes au coeur de l’intitulé qui, comme toujours, apparaissent uniquement lorsqu’on dégage les conditions de possibilité des notions proposées :

si la raison est distance, séparation, comment peut-elle se rapprocher et rendre compte du réel ?

Si la raison est jugement, c’est-à-dire passage à l’universel, comment pourrait-elle rendre compte du réel singulier ?

Si la raison est discours argumenté, le réel, tout réel est-il susceptible d’être relevable de la logique et de l’argumentation (que l’on songe au réel esthétique ou même perceptif)

La suite, peut-être, après un peu de repos !