Avertissement : on ne voudrait pas vous jouer un tour de cochon en vous faisant croire qu’il suffirait dans sa dissertation du concours de parler des choses ci-dessous, pour être admis dans une école qui serait semblable au Jardin d’Epicure et de ses disciples. Bien évidemment, mais ce qui va sans dire va beaucoup mieux en le disant, rien de ce qui est écrit dans ce qui suit ne doit figurer dans vos copies de concours ou même d’examen ! Comme nous sommes en vacances dans tous les sens du terme, nous nous permettons de sortir franchement de la philosophie académique et scolaire à titre de divertissement. Et que les esprits prudes passent leur chemin … en attendant, sur ce site, un retour à des plaisirs plus « convenables », comme ceux de la madeleine de Proust ou la première gorgée de bière …

De l’amour de la sagesse à l’amour du cochon.

On reproche très souvent à la philosophie son abstraction conceptuelle et son trop grand éloignement de la vie ; or une philosophe contemporaine libertaire déclarée, du nom de Marcela Iacub, bien connue pour pourfendre à juste titre dans les colonnes du journal Libération le moralisme qui s’abat sur nos sociétés en matière de mœurs, n’a pas hésité à passer aux travaux pratiques : elle s’est engagée, donnant en quelque sorte son corps à la science pour un CDD d’une durée limitée à 7 mois, dans une relation avec un économiste plus connu désormais pour ses capacités sexuelles inflationnistes que pour sa gestion d’une économie mondiale en berne. Et ce difficile « engagement » lui a permis d’éprouver du plaisir de nature sexuelle tout en essayant d’éprouver du plaisir (en réalité elle n’était là que pour ça) à faire passer cette expérience dans l’écriture d’un livre destiné à exhiber ses états d’âme. Et la volonté de savoir ne reculant devant aucun moyen, elle est allée jusqu’à mentir : « il m’a fallu te faire croire que j’étais éprise de toi, folle de toi. Je suis désolée« .

Comme l’écrivait Merleau-Ponty le philosophe ne peut surmonter la contradiction qui l’anime d’être au cœur de la vie tout en devant la penser, ce qui ne peut se faire qu’en s’éloignant d’elle : il ne peut que claudiquer, ce que fait Marcela Iacub qui alterne les propos contradictoires sur la réalité de son «œuvre» : compte-rendu objectif d’une relation vécue authentiquemet, tentative de compréhension scientifique d’un phénomène (sic !) (« je […] voulais […] essayer de comprendre ce phénomène étrange que tu es« ), œuvre littéraire, pur fantasme personnel … Mais il nous semble en fait qu’il n’y a guère, dans ce qu’elle a fait, de claudication, donc de travail véritablement philosophique à la Merleau-Ponty, car il apparaît qu’elle a plus pensé que vécu cette « relation », dans le seul but de l’écrire et de la prostituer au sens radical de ce terme, à savoir, l’exposer au public : on a ici à faire à un esprit sans corps vivant qui se prostitue pour prostituer de force l’intimité d’autrui.

Peu nous importe pour le moment, car ce qui nous intéresse quant à la notion de plaisir, c’est le concept de « cochon » qu’elle envoie dans le sexe de notre économiste : « Même au temps où ma passion était si fastueuse que j’aurais échangé mon avenir contre une heure dans tes bras, je n’ai jamais cessé de te voir tel que tu étais : comme un porc». Reste à se demander qui est vraiment le porc dans cette histoire … et s’il est juste de reproduire, pour une soi-disant philosophe du CNRS rebaptisé désormais grâce à elle, Centre National de Recherche(s) Sexuelle(s), les poncifs les plus éculés sur le porc et le plaisir sexuel. Le désir de comprendre chez l’autre les raisons de sa recherche du plaisir sexuel (accompagné il est vrai d’une avance de 20 000 euros de l’éditeur payable à l’exhibition du livre) permet-elle de le manipuler dans tous les sens du terme ? Voudrait-elle réactualiser le sens originaire d’une expression, « prendre son pied », qui signifie aujourd’hui prendre du plaisir mais voulait dire prendre sa part de butin ? Et quand on sait que l’expression « prendre son pied » est équivalente à celle de «prendre son fade», on n’ose croire que notre philosophe a voulu prendre du plaisir en prenant son fade ! Se présentant elle-même comme une sainte (Nitouche), n’est-elle pas tout simplement une sainte qui touche ? Ne peut-on pas exiger d’une « philosophe », même libertaire, un minimum d’éthique et de morale ?

Oeil de cochon(ne) : « c’est beau d’être une truie dans le rêve interminable d’un porc» (Marcela Iacub).

Les épicuriens : « Une communauté de porcs».

Le porc est une figure fréquemment évoquée dans les discussions philosophiques quand il s’agit de traiter du plaisir. Et c’est d’ailleurs le qualificatif qui était jeté envers les épicuriens pour discréditer leur philosophie. Et ce même qualificatif était souvent repris de façon ironique par les partisans d’une philosophie hédoniste. C’est ainsi que Horace dans ses Epîtres (I, 4, v. 15-16) (à Tibulle) écrit « Alors tu verras comme je serai en bon point avec un teint frais et la charnure délicate, quand tu voudras un peu rire d’un pourceau qui est du nombre de ceux d’Epicure. » (« Me pinguem et nitidum bene curata cute uises, cum ridere uoles, Epicuri de grege porcum. »). Les spécialistes se disputent encore pour savoir si Horace assume ou non de se considérer lui-même comme un pourceau du troupeau d’Epicure ; il n’en reste pas moins que, dès ses débuts, la philosophie du plaisir est associée au doux qualificatif de porc. Thimon de Phlionte (325-235), (faisant un jeu de mots intraduisible entre « dernier » et « porc ») traite Epicure de « porc, le dernier des physiciens, et le plus chien, venu de Samos en petit maître d’école, le plus mal dressé des animaux ». (Diogène Laerce p. 1238 in La Pochothèque). Un peu plus tard, Plutarque ira même jusqu’à traiter le groupe des épicuriens de « pourceaux ». On le voit par exemple encore, dans la République de Platon, lorsqu’on parle de la mise en place d’une société et de son régime alimentaire : « J’avais oublié qu’ils auraient aussi des plats cuisinés ; il est évident qu’ils auront du sel, des olives et du fromage, et qu’ils se feront cuire des oignons et des verdures, le genre de potées qu’on fait à la campagne. Nous trouverons même le moyen de leur servir des friandises faites avec des figues, des pois chiches et des fèves, et ils se feront griller au feu des fruits du myrte et du chêne tout en buvant modérément. Passant ainsi leur vie en paix et en bonne santé, et décédant sans doute à un grand âge, ils transmettront à leurs descendants une vie semblable à la leur.» Et cette description vaut la remarque suivante qui fait allusion à la doctrine épicurienne : «O Socrate, si c’était une cité de porcs que tu constituais, les engraisserais-tu d’autre chose ? ». Et cette association entre plaisir, notamment sexuel, et porc est arrivé jusqu’à nous à travers les siècles comme on le voit encore dans Don Juan ou le Festin de pierre, (I, 1) « Tu vois en Dom Juan, mon maître, […] un hérétique, […] qui passe cette vie en véritable bête brute, en pourceau d’Epicure« .

Portrait de ce pourceau d’Epicure

Les réseaux sociaux déjà à l’œuvre pour attaquer les plaisirs dits porcins des épicuriens …

Et l’association faite entre porcherie et courant épicurien ne s’arrête pas là car même si Facebook et les réseaux sociaux ou les fantasmes de Marcela Iacub n’existaient pas encore, une avalanche d’accusations s’abat sur Epicure et son école du plaisir (voir Diogène Laerce op. cit. p. 1238 sq.). Les stoïciens écrivent des fausses lettres licencieuses qu’ils attribuent à Epicure et on l’accuse « d’avoir prostitué l’un de ses frères » tout en ayant « commerce avec la courtisane Léontion » et harcelant par SMS une autre femme, Thémista, en lui déclarant « je suis capable, si vous ne venez pas près de moi, de me précipiter au triple galop … » et en lui faisant « dire des choses obscènes » (on voit que Macela Iacub n’a fait que recopier ce qu’elle a lu dans Diogène Laerce !).

Epicure courant vers une nouvelle victime de sa lubricité

Et on lui fait tenir des propos de débauché de tous les sens, du type : « Pour moi, c’est assuré, je ne sais plus à quoi reconnaître le bien, si je mets de côté les plaisirs pris aux saveurs, et si je mets aussi de côté les plaisirs pris à l’amour, ceux pris aux sons et ceux pris aux formes ». Et un ancien élève de l’école épicurienne du nom de Timocrate déclare qu’Epicure « vomissait deux fois par jour en raison de ses excès »

Et ce qui aggrave encore la situation, c’est que le mouvement épicurien n’est pas, contrairement à celui des Cyniques, individualiste ; on y vit en communauté !

Et ils vivent en communauté ….

De là à affirmer que ces cochons d’épicuriens se livrent à des activités sexuelles de groupe, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent. Et comme les femmes sont accueillies dans le Jardin à égalité avec les hommes, on accuse Epicure de coucher avec toutes les femmes et de se comporter en véritable proxénète ! Il est donc « amusant » de voir que notre « philosophe » cultivée, Marcela Iacub ne fait qu’actualiser, sur un ton digne des Pères de l’Eglise jetant des anathèmes et de Grégoire de Nysse dont nous reparlerons, toutes les « âneries » (sic, pitié pour les animaux, dira-t-on !), déversées du temps d’Epicure : «Tu aurais transformé l’Elysée en une géante boîte échangiste, tu te serais servi de tes assistants, de tes larbins, de tes collaborateurs et de tes employés comme de rabatteurs, d’organisateurs de partouzes, d’experts dans l’art de satisfaire tes pulsions les plus obscures. Tu aurais avalé des milliers de créatures consentantes, tu les aurais savourées sur des plateaux d’argent. Des créatures qui t’auraient supplié d’être dévorées par toi. D’avoir le plaisir, le privilège, l’honneur d’être tes proies. Pour cette faute tu seras toujours honni, maudit, méprisé, mis au ban par la douce France qui avait mis tant d’espérances en toi. Rien ne sera en mesure de te relever, aucun non-lieu, aucun accord. La politique te sera à jamais fermée. Tu ne pourras que t’enrichir en vendant des conseils miraculeux. »

Pitié pour les porcs : dans les chapiteaux romans, la luxure est représentée non par des porcs mais par des boucs chevauchés par des hommes (Biozat, 03)

(à suivre ici …)