Bien entendu, la totalité des philosophes pourraient être, à des degrés divers, convoqués dans cette bibliographie puisque l’action, à des degrés divers, concerne la plupart des réflexions philosophiques. Nous nous contenterons de l’essentiel sans chercher à être exhaustif, mais en essayant de donner quelques justifications du choix des auteurs (nous donnons à la fin quelques articles contemporains). Le but est uniquement de signaler des pistes éventuelles à parcourir selon ses besoins durant l’année.


PLATON : on relira les textes connus de Platon dans lesquels il dresse le portrait du philosophe qui se désintéresse de l’action au profit de la contemplation, d’une vie théorétique (bios theorèticos qui s’oppose à un bios politikos), ce qui fait dire à Bergson que dans une telle philosophie « l’Action est une Contemplation affaiblie » (« La Pensée et le Mouvant » p. 1424). Voir le portrait du philosophe, des coryphées dans le Théétète et le cas de Thalès tombant au fond d’un puits parce qu’il contemplait les étoiles. Il se désintéresse de ce qui est singulier, de l’em­placement de l’agora, des lois de son pays, de ce qui est arrivé à tel ou tel. « Le philosophe, qui vit avec ce qui est divin et conforme au cosmos, devient lui-même conforme au cosmos et divin, autant que le comporte la nature humaine » (Platon, Ré­publique, 500 cd). Dans le « Gorgias », (484 c) Calliclès énonce les critiques habituelles faites à l’encontre du philosophe : la philosophie est utile quand on est jeune car elle est le signe d’une culture libérale d’une condition libre. Mais c’est la ruine quand on est âgé car on ignore ce qui permet d’être bien vu ; on est inadapté à la vie et à l’action so­ciale ; on est ridicule dans les affaires privées et publiques. Mais on n’oubliera pas que Platon invite le philosophe à redescendre dans la caverne, le monde empirique, le monde commun. D’ailleurs Platon à la fois s’est engagé comme conseiller d’hommes politiques (Denys de Syracuse) : «les maux ne cesseront pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n’arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine, ne se mettent à philosopher véritablement.» (Platon, Lettre VII, 326a). Platon pense l’action politique : voir la « République » livre 5. Dans ce même livre, on pourra lire sa conception de la division des tâches dans la société. De même, il existe des textes comme le «Ménon » dans lesquels Platon s’interroge sur l’action immorale : « nul ne fait le mal volontairement ».

En bref, toute l’œuvre de Platon est pertinente pour réfléchir sur l’action et pour en revenir au « Gorgias », on y trouvera des réfléxions nombreuses sur l’action technique, sur l’éthique et le politique.

ARISTOTE, on peut dire que c’est le philosophe qui, le premier, a pris au sérieux la notion d’action. Un philosophe contemporain (voir plus bas) qui s’intéresse au thème de l’action, Donald Davidson, considère qu’Aristote, à la différence de Platon, produit des analyses de l’action en elle-même et que cette question « a peu évolué et n’a guère été modifiée depuis Aristote ». On commencera donc par cet auteur : Ethique à Nicomaque, VI, II, 40 b ; Poétique, ch. 6, 1449b VI, 5 ; voir aussi « De l’âme ». Aristote distingue l’action de la production et « la vie est action (praxis) et non production (poiesis)». Une action est une activité (ergon) qui possède en elle-même sa propre fin et ne se définit pas par une production extérieure à elle-même : « la production a une fin autre qu’elle-même ; il n’en saurait être ainsi pour l’action, la bonne pratique étant elle-même sa propre fin ». L’action est le mouvement même de la vie.

STOÏCISME : contrairement à l’école épicurienne, les stoïciens n’ont pas de réticence à l’égard d’une action politique et il existe un précepte selon lequel « le sage prendra part à la vie politique si rien ne l’en empêche» (Diogène Laërce). Ce courant de pensée sera intéressant à analyser dans son rapport à l’acte libre, au destin, à l’éthique. Et contrairement à une opinion commune, les stoïciens ne s’opposent pas à l’action qui, pour eux, doit être conforme à la raison et exige, de la part de chacun, une interprétation. On peut trouver chez Chrysippe une phrase significative de la conduite du sage stoïcien qui doit agir en accord avec sa nature et avec la nature: « tant que les choses à venir me restent cachées, je m’attache toujours aux choses qui ont plutôt tendance à procurer ce qui est conforme à la nature. Car c’est Dieu lui-même qui m’a fait telle que je sélectionne ces choses. Mais si je savais que c’était mon destin d’être maintenant malade, j’aurais même une impulsion à l’être. Car le pied lui aussi, s’il avait de l’intelligence, aurait une impulsion à se laisser couvrir de boue. » Ils présentent également une conception de ce que l’on appelle l’action droite (Kathortoma). On pourra lire de Sénèque «Lettres à Lucilius», Garnier Flammarion ; Epictète « Entretiens ». Bien entendu, pour un travail plus approfondi, en Tel Gallimard, « Les stoïciens » en deux volumes.

EPICURISME : l’école épicurienne recherche le bonheur à l’écart d’une action commune et politique. Il sera intéressant de s’interroger sur les raisons d’une telle attitude. C’est dans le domaine de l’action éthique et morale que cette philosophie peut être particulièrement utilisée. La philosophie épicurienne ne constitue pas seulement un corps de doctrine mais elle veut donner un savoir efficace qui entraîne des actions ; elle est une « activité (energeia) qui permet d’obtenir le bonheur : « la philosophie, écrit Epicure, est une activité qui, par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse».

MONTAIGNE Les Essais, De la gloire. Ce philosophe est intéressant dans la mesure où il a consacré une partie de sa vie à l’action politique comme maire de Bordeaux. De même, on trouvera dans ses Essais des réflexions importantes sur les rapports entre le corps et l’esprit, sur la réflexion intellectuelle, comme la lecture, opposée au domaine de l’action : «Les livres ont beaucoup de qualité agréables à ceux qui les savent choisir. Mais aucun bien sans peine: c’est un plaisir qui n’est pas net et pur, non plus que les autres ; il a ses incommodités, et bien pesantes ; l’âme s’y exerce, mais le corps, duquel je n’ai non plus oublié le soin, demeure cependant sans action, s’atterre et s’attriste. Je me sache excès plus dommageable pour moi, ni plus à éviter en cette déclinaison d’âge. »

MACHIAVEL, Le Prince, notamment les ch. 18 et 25 dans lesquels on trouvera une praxéologie : il faut calculer de façon rationnelle les avantages ou les inconvénients d’une action donnée. Une réflexion moderne sur l’action politique qui pose la moralisation de l’action politique ne permet pas d’en saisir son essence.


DESCARTES : « Méditations métaphysiques », particulièrement la quatrième dans laquelle Descartes s’interroge sur la liberté et la responsabilité de l’erreur et du mal. On trouvera également dans le «Discours de méthode », notamment dans la partie III, une réflexion sur l’action proche de celle des stoïciens. Mais on pourra trouver chez Descartes des réflexions très intéressantes sur le sujet et le rapport entre le corps et l’esprit. Comment le sujet est-il en mesure d’agir? Sur ce point « Les passions de l’âme »

PASCAL : « Les Pensées ». On lira les pages classiques concernant le divertissement c’est-à-dire d’une action qui semble n’avoir de but qu’elle-même. Pourquoi agir? Qu’est-ce qui pousse les hommes à agir?

MALEBRANCHE, Recherche de la vérité, XVe éclaircissement, Œuvres, Pléiade, I, p. 974 sq. On trouvera chez cet auteur une conception originale de l’action que l’on pourrait comparer à celle de Maine de Biran. Dieu seul est véritablement cause. Ce que l’on nomme cause naturelle (une boule qui en rencontre une autre) n’est point une cause réelle et véritable, mais simplement, ce que ce philosophe nomme une cause occasionnelle. Toute action a pour cause Dieu. Les esprits finis ne peuvent rien sentir, si Dieu ne les affecte ; rien vouloir, si Dieu ne les meut vers le Bien général, c’est-à-dire vers Lui. L’action de l’esprit sur le corps n’est pas une idée claire. Voir sur ce point l’analyse de Vincent Descombes citée plus loin dans cette bibliographie in « Notions de philosophie » p. 112 sq.

LEIBNIZ : « La monadologie » ; « Discours de métaphysique », notamment l’article XIII dans lequel Leibniz répond à l’une des difficultés de sa philosophie : Si « la notion individuelle de chaque personne renferme une fois pour toutes ce qui lui arrivera jamais » comment ne pas en conclure que « la liberté humaine n’aura plus aucun lieu, et qu’une fatalité absolue régnera sur toutes nos actions aussi bien que sur tout le reste des événements du monde » ?. On trouvera aussi dans les « Essais de théodicée » (Garnier Flammarion n° 209) le prolongement de ces questions mais aussi des considérations plus directes sur l’action : ne peut-on pas dire qu’il n’y a d’action que pour Dieu et non pas pour les créatures ? (& 42) et sur la responsabilité du mal. Enfin, «Nouveaux essais sur l’entendement humain» Garnier Flammarion

HOBBES : « Le Léviathan ». Cet auteur développe une philosophie politique de nature artificialiste dans laquelle le corps politique est le produit de l’action de l’homme : «les pactes et conventions par lesquels les parties de ce corps politique ont été à l’origine produites, assemblées et unifiées ressemblent au Fiat ou au Faisons l’homme que prononça Dieu lors de la création. » Traduction Folio.

SPINOZA, Ethique. Dans l’appendice du livre 1, on pourra trouver une analyse des illusions de la liberté de l’homme qui croît échapper au déterminisme. On trouvera chez cet auteur une critique de l’idée de contingence dans la mesure où toute action est produite par une cause nécessaire (voir par exemple la proposition 28 du livre I). L’action humaine a pour condition la connaissance rationnelle du déterminisme et des lois de la nature.

LOCKE : <i>« Essai sur l’entendement humain »<i> où l’on pourra réfléchir sur les rapports de la liberté et du déterminisme; « Quelques pensées sur l’éducation ». Pour cet empiriste, l’habitude précède le sujet mais lui permet néanmoins d’être libre. Il montre également la valeur morale de l’acquisition d’habitudes.

HUME, Traité de la nature humaine, « De la volonté et des passions directes », II, III, I, GF, p. 254-258.

DIDEROT : « Jacques le fataliste » ; des considérations sur les rapports entre la liberté et la volonté.

ROUSSEAU : son œuvre est intéressante puisqu’elle réfléchit sur l’action politique (voir « Le Contrat social ») mais on n’oubliera pas le critique de l’activité technique dans son « Discours sur les sciences et les arts. Question proposée par l’Académie : “Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs.” Discours qui a remporté le prix de l’Académie de Dijon en l’année 1750 ». On trouvera également dans son «Discours sur l’origine les fondements de l’inégalité parmi les hommes» l’une des caractéristiques spécifiques de l’homme selon Rousseau par rapport à l’animal, à savoir, la liberté.


KANT, Toute l’œuvre de Kant est concernée sur ce thème à des degrés divers. On trouvera des éléments intéressants dans la Critique de la raison pure, « Troisième antinomie » ; mais aussi dans toute la réflexion sur l’action morale « Critique de la raison pratique »; « Fondements de la métaphysique des mœurs ». Enfin, il existe une pensée sur l’histoire qui peut être abordée dans son « Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique » et son «Projet de paix perpétuelle».

HEGEL : Il s’agit d’un auteur difficile à lire mais dont la pensée est intéressante dans la mesure où, pour lui, le sujet qu’il soit individuel collectif ne s’accomplit que dans et par l’action. Sa conception de l’histoire est abordable, notamment à travers les notes prises dans ses cours par ses auditeurs: « La raison dans l’histoire » 10/18: on réfléchira notamment sur sa théorie de la ruse de la raison en s’interrogeant sur le véritable sujet qui fait l’histoire : «il résulte des actions des hommes autre chose que ce qu’ils projettent et accomplissent, autre chose que ce qu’ils savent et veulent immédiatement. Ils réalisent leurs intérêts, mais il se produit avec cela quelque autre chose qui y est cachée à l’intérieur, dont leur conscience ne se rendait pas compte et qui n’entrait pas dans leurs vues». De même, on trouvera des analyses intéressantes sur l’activité esthétique dans ses cours sur l’esthétique: « Esthétique », quatre volumes chez Garnier Flammarion. On y trouvera des analyses sur l’action épique ainsi que des réflexions sur les modalités de la représentation de l’action en art. Plus difficile d’accès mais très intéressant, dans ses «Principes de la philosophie du droit», on trouvera des analyses sur l’action & 115-128. Hegel distingue l’agir (handeln) et le faire (tun) : « ce qu’est le sujet, c’est la série de ses actions » & 124. Il existe aussi des pages très intéressantes sur l’aspect tragique de l’action. Voir aussi sa « Propédeutique philosophique » & 16 sq. Editions de Minuit. Mais tout ceci n’est vraiment compréhensible que si l’on fait l’effort de se hisser au niveau de la conception hégélienne selon laquelle l’Esprit, l’Absolu, ne peut se réaliser que dans la rencontre et la négation de ce qui n’est pas lui-même. C’est dans le temps et dans l’histoire qu’il devient pour soi ce qu’il était en soi. Bref, c’est dans l’action, l’opposition et la transformation de qui lui est extérieur que l’Esprit peut se connaître. Ainsi, la connaissance est inséparable de l’action ; l’Esprit est pure activité : « L’esprit est dans le travail de sa propre transformation » (Préface de la « Phénoménologie de l’esprit ». Il ne devient lui-même que dans le temps et dans l’action historique, dans le travail etc.

MARX, « Thèses sur Feuerbach » dans lequel Marx reproche au matérialisme traditionnel de « ne pas concevoir la réalité en tant qu’activité humaine concrète, en tant que pratique». La proposition XI est la plus connue : «Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, il s’agit de le transformer». Bien entendu on étudiera sa conception de l’histoire, mais aussi celle du travail exposée dans « Les manuscrits de 1848 ».

NIETZSCHE : « Généalogie de la morale » ; « L’antéchrist ». Mais aussi en pourra réfléchir sur son analyse du nihilisme que l’on peut exprimer par la question : « à quoi bon ? ». On lira sa critique, de nature grammaticale, du cogito cartésien. Descartes se laisse aller à « raisonner selon la routine grammaticale : penser est une action, toute action suppose un sujet actif, donc… » (Par delà le bien et le mal, § 17).
« LA CAUSALITÉ DE L’ACTION. – Le but est mal posé: Bonheur a) personnel (« égoïste »), b) étranger (« non égoïste »). Manque de circonspection chez Schopenhauer qui ajoute encore c) douleur étrangère, d) douleur personnelle : qui ne sont naturellement que des spécifications de l’idée de « bonheur personnel » (a). Si le bonheur est le but de l’action, il faut que le mécontentement précède l’action : falsification pessimiste de l’état de fait; le déplaisir comme motif de l’action. Le déplaisir et le plaisir sont des motifs ; la volonté est causale dans l’action. – À condition que tout ce qui a précédé se trouve dans la sphère de la conscience, – que la véritable causalité soit une causalité intellectuelle – que l’« âme » sache ce qu’elle veut, et que l’acte de volonté soit conditionné par son savoir, – que l’âme soit « libre » dans la volonté, et par conséquent. – – Ma théorie : le plaisir, le déplaisir, la « volonté », le « but » ne sont que des phénomènes secondaires, – ils ne sont jamais une cause. Tout ce que l’on appelle causalité intellectuelle est une fiction. » « La volonté de puissance » Livre de poche, p. 533.

FREUD : l’idée d’un inconscient psychique, de la capacité d’action de pensées inconscientes en nous, oblige à repenser la notion de liberté, de responsabilité du sujet concernant ses actions. « De même que le cavalier s’il ne veut pas se séparer de son cheval, n’a souvent rien d’autre à faire qu’à le conduire où il veut aller, de même le moi a coutume de transformer en action la volonté du Ça, comme si c’était la sienne propre » (Le moi et le Ça, p. 237). Les analyses de Freud sur le désir seront intéressantes pour réfléchir sur les causes de l’action.

JAMES, Williams : « Le pragmatisme » Garnier-Flammarion ; philosophe qui se rattache au mouvement que l’on nomme pragmatisme. Dans cette philosophie, «L’idée est une hypothèse, un plan d’action. » (Deledalle). Et la vérité doit être utile à l’action: « Le vrai consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre pensée, de même que le juste consiste simplement dans ce qui est avantageux pour notre conduite. »

BERGSON : Toute l’oeuvre de cet auteur est intéressante à des titres divers :question de la perception, des habitudes, du rapport du corps et de l’âme, la liberté etc. : « Essai sur les données immédiates de la conscience » ; « L’évolution créatrice » etc.

BLONDEL : « L’action » PUF.

WITTGENSTEIN, Investigations philosophiques, § 621 – Cahier bleu. Toute l’oeuvre de cet auteur, notamment dans ce qu’il est convenu d’appeler la seconde période, est intéressante pour le thème de l’action.

MALLARME : “L’Action restreinte ” est le titre d’un des essais de Mallarmé, recueillis dans « Divagations » en 1897. Cette formule désigne les limites, mais aussi la concentration de l’action poétique. À la fin du XIXe siècle, après la mort de Victor Hugo, le poète ne peut plus prétendre agir directement sur la scène politique, ni même s’ériger en conscience morale. Il peut dire le monde, en donner un équivalent verbal, il ne le changera pas. Son activité, toutefois, n’est pas contemplative. Il peut agir dans un domaine restreint mais illimité, qui ne lui appartient pas mais qu’il requalifie : celui de la langue et du langage, la scène de l’écriture et l’espace du livre en tant qu’ « instrument spirituel ».

HEIDEGGER : « Etre et temps » ; « La question de la technique ». « Lettre sur l’humanisme ». Heidegger critique l’action de l’homme par la science et la technique. Elle produit pour lui une réification c’est-à-dire la transformation de ce qui est, en choses (du latin res qui signifie chose), un arraisonnement du monde à partir de la puissance technique qui est l’absolutisation de la rationalité finalisée. L’homme, par son action technique, veut contraindre la nature à se dévoiler : »le dévoilement qui régit la technique moderne a le caractère de provoquer, au sens de défier ». Ainsi, selon lui, l’activité agricole traditionnelle ne « provoque » pas encore la nature, le sol cultivable et s’en remet essentiellement à la terre elle-même et à la production de la nature. Il n’en est plus de même lorsque l’agriculture déploie engrais, machinisme, techniques et science pour provoquer la production. De même, pour Heidegger, un moulin à vent est confié au souffle du vent alors qu’un barrage hydroélectrique qui barre un fleuve, le mure pour obtenir de lui une énergie. Il y a ainsi une violence de la raison moderne scientifique et technique dans l’appréhension de la nature et du monde. Heidegger nomme Gestell (traduit généralement par arraisonnement ou par dispositif) la manière de découvrir et de poser le monde (et l’homme également) comme outil en faisant perdre à l’homme son essence et le sens de l’être.


SARTRE : « L’être et le néant », dans lequel l’auteur développe une conception de la liberté et de l’action humaine; «Les mains sales». On peut aussi lire sa conférence, «L’existentialisme est un humanisme ». On peut confronter l’idée d’une responsabilité universelle aux remarques de Ruwen Ogien dans son court article influencé par la philosophie analytique, intitulé « Responsable de tout et de rien » in « La panique morale », 207-222, Grasset.

MERLEAU-PONTY : on trouvera chez ce philosophe une réflexion intéressante sur l’action, notamment sur l’engagement politique. Dans sa leçon inaugurale au Collège de France, il fait une remarquable analyse des rapports contradictoires du philosophe et de l’action. Le philosophe vit dans la contradiction indépassable de l’action et de la pensée de l’action. Mais toute l’œuvre de ce philosophe pourra être utilisée aussi bien sa « Phénoménologie de la perception » et ou « La structure du comportement » mais aussi ses réflexions sur l’activité artistique comme dans « L’oeil et l’esprit » (Folio) ou comme sa pensée sur l’histoire : « Les aventures de la dialectique ». Dans sa « Phénoménologie de la perception », Merleau-Ponty essaie de dépasser l’opposition sujet-objet, conscience-monde : La conscience est originairement non pas un « je pense », mais un « je peux », écrit-il dans ce livre, p. 160). Mais il s’apercevra plus tard que sa pensée restait encore prisonnière de la conscience constituante, dans la mesure où subsiste un dualisme entre le sujet et le monde, le corps et la conscience. D’où les développements sur la «chair» (qui est une entre-appartenance du corps et du monde dans un même tout, l’unité de l’être comme «voyant-visible»), l’«entrelacs», le «chiasme» dans la dernière partie de son œuvre. «La perception est non perception de choses d’abord, mais perception des éléments (eau, air …) de rayons du monde, de choses qui sont des dimensions, qui sont des mondes, je glisse sur ces «éléments» et me voilà dans le monde, je glisse du «subjectif» à l’Etre » Le visible et l’invisible, p. 271. Nous percevons, mieux, nous voyons le monde et non pas des objets du monde. On pourra lire la conférence « Le cinéma et la nouvelle psychologie » dans laquelle Merleau-Ponty, à travers la notion de comportement, d’action commune dépasse la conception intellectualiste du monde et de la perception : comme le montre Husserl, la perception d’autrui est comme un « phénomène d’accouplement ».

ARENDT : on trouvera dans toute son oeuvre des réflexions sur l’action aussi bien dans l’activité productive que dans le domaine politique. On accordera une importance particulière à la lecture de « La condition de l’homme moderne », Presses Pocket, dont le chapitre 5 s’intitule précisément l’action. La question essentielle de ce livre porte sur la question de savoir en quoi consiste une vie active. On y trouvera l’analyse de ce qu’elle nomme la « vita activa » qui désigne « trois activités humaines fondamentales : le travail, l’oeuvre et l’action».


RICŒUR, Toute l’œuvre de Ricœur peut être placée sous le signe de l’action. Essais d’herméneutique, II, « Du texte à l’action », Seuil, p. 190-198 ; p. 238-247 ; Soi-même comme un autre, Seuil, à partir notamment de la troisième étude : dans ce livre, Paul Ricœur analyse un certain nombre de philosophies analytiques et propose sa propre philosophie de nature herméneutique. On n’oubliera pas que ses premiers travaux essentiels portaient sur la volonté et la question du mal : « Philosophie de la volonté » Aubier 2 tomes.

DAVIDSON, Actions et événements, PUF, 1993, « 1. Actions, raison et causes » ; « 3. L’agir». Du même auteur, on trouvera dans « Quelle philosophie pour le XXIe siècle », un court texte de cet auteur intitulé L’action, Folio Essais n°380. (sur Davidson et le débat contemporain sur l’action, voir. V. Descombes, « L’action », in Notions de philosophie, II, dir. Kambouchner, Folio essais, p. 103-174).

ADORNO ET HORKHEIMER : Dialectique de la raison, Tel, n° 82 : ces deux auteurs critiquent l’usage instrumental de la raison effectué en Occident à travers les sciences et les techniques. L’homme a réussi à dominer par la raison les forces naturelles qui le menaçaient de l’extérieur mais en réprimant, en même temps, sa propre nature intérieure. La «raison instrumentale» ou bien le « dispositif de la technique» ( on traduit généralement ainsi le Gestell de Heidegger) font apparaître au grand jour des tendances fatales, d’origine archaïque conduisant à l’assujettissement et à la réification.

HABERMAS : « Théorie de l’agir communicationnel». Cet auteur se sépare d’Adorno et de Horkheimer quant à la critique de la raison instrumentale.

JANKELEVITCH : « Traité des vertus I. Le sérieux de l’intention », chap. VI intitulé « qu’il faut faire le bien ». Champs Flammarion.

JONAS Hans : « Le principe responsabilité », Cerf.

DESCOMBES Vincent : « L’action », in « Notions de philosophie », T. 2, P. 103-174, Folio Essais n° 278 ; un exposé très pertinent et dense de l’action, dans la perspective de la philosophie analytique qui, pour le dire comme un chanteur contemporain montbrisonnais, ne fait pas mourir de rire. On y trouvera aussi, en fin d’article, une bibliographie commentée.

DELEUZE, « Différence et répétition », ch. 2, « La répétition pour elle-même », PUF, p. 96-108. Des pages très difficiles mais stimulantes dans lesquelles l’auteur discute du rapport de l’action et de la répétition et, à partir de ses analyses de la philosophie de Hume, du rapport de l’habitude et de l’action. La contraction d’une habitude selon Hume s’effectue non pas par l’action elle-même mais par la possibilité de contempler l’action.

AGAMBEN, « L’homme sans contenu », Circé, 1996, p. 115-122.

AUDI : « Supériorité de l’éthique » Champs Flammarion. Une pensée stimulante sur l’éthique qui, par essence, est liée à l’action, à l’action bonne.

NAUDE, « Considérations politiques sur les coups d’Etat », Editions de Paris, 1988, p. 100 sq.