L’explicitation du problème ou la problématisation.
Si le candidat a énoncé ce paradoxe et qu’il ne s’agit pas pour lui d’une proposition faite mécaniquement, il est alors obligé de mieux questionner l’ensemble l’intitulé pour le transformer en une véritable problématique. Et si ce travail est effectué dans le même esprit que celui qui vient de précéder, la note, supérieure à la moyenne, ne dépendra plus alors que de la richesse des connaissances mobilisées pour répondre à la problématique. Mais c’est ici que le candidat de deuxième année risque fortement d’être tenté d’abandonner sa position critique pour se laisser aller à réciter ce qu’il vient d’apprendre au cours de l’année. Rappelons-le cependant : il est très rare que les candidats qui ont découvert le paradoxe au coeur de l’intitulé abandonne leur position de philosophe ! Car, si l’on a perçu et énoncé le paradoxe, on ne peut pas ne pas se demander ce qui le constitue ! Où et en quoi réside donc ce paradoxe dans l’intitulé ? Ce questionnement était rendu nécessaire par le fait que le sujet ne comportait pas, à la différence du deuxième « La souffrance peut-elle avoir un sens ? », de point d’interrogation. [Le concours d’Ecricome présente deux sujets au choix, l’un sur le thème de l’année, l’autre totalement ouvert. Peu de candidats, et à juste raison, prennent le second qui est souvent catastrophique : cette année pourquoi s’embarquer dans un tel sujet alors qu’on ne maîtrise ni le sens du concept de souffrance ni celui de sens ?]. Enonçons donc un paradoxe à propos des énoncés de sujets de dissertation : il est plus facile d’adopter une attitude philosophique pour les sujets qui ne sont pas posés de façon interrogative que pour les autres, car les candidats, acceptant la forme interrogative, croient que la question est déjà posée alors qu’il n’en est rien ! Ils confondent intitulé et question : celle-ci ne pourra surgir que du questionnement de l’intitulé, ce que nous allons faire maintenant. Insistons sur le fait que ce travail ne nécessite pas une connaissance encyclopédique sur le thème de l’imagination ; ainsi ceux qui vont l’an prochain travailler sur le thème de la société sont invités, avant de continuer à lire, d’essayer eux aussi de s’étonner devant l’intitulé : il s’agit là de la meilleure préparation qui soit au concours.
Nature du lien entre la pauvreté des images et la richesse de l’imagination.
Nous proposons quelques pistes qui pouvaient être suivies par les candidats (sans que toutes soient nécessairement écrites dans la copie). Déjà, la simple apposition des expressions « pauvreté des images », « richesse de l’imagination » était problématique. Faut-il comprendre que la pauvreté des images constitue un fait indépendant de la richesse des images ? (Bien sûr, on sent bien qu’il n’en est rien et c’est malheureusement l’interprétation non réfléchie de certains qui construisent leur devoir en oubliant d’articuler constamment et la pauvreté des images et la richesse de l’imagination : le devoir n’est pas bon et franchit difficilement la moyenne. Quel que soit le sujet, une simple superposition qui sépare les éléments constituants de l’intitulé ne constituera jamais un bon devoir).
Mais dans la mesure où, comme le font remarquer certains candidats, le concept d’image et d’imagination présente le même radical, il est impossible de penser que la pauvreté des images soit extérieure, indifférente, à la richesse des images ; il doit nécessairement y avoir une relation entre les deux.
[Faisons à nouveau une remarque de nature pédagogique : ce travail d’analyse et de problématisation ne nécessite pas de connaissance spécifique ; il ne s’agit ici que de suivre de façon logique les questions que nous soulevons à propos de l’intitulé. Trop souvent, le candidat s’arrête de questionner alors qu’il suffit, comme Socrate, de continuer à interroger la réponse que l’on vient de poser. Plus on peut avancer, plus profonde sera la problématique et donc le devoir.]
On pourrait penser qu’il s’agit d’une relation temporelle : il y aurait d’abord des images pauvres et ensuite une imagination riche. Faut-il alors penser que les images doivent nécessairement précéder le travail de l’imagination ? Seraient-elles la condition qui rend possible la richesse de l’imagination ? Ne peut-on pas, au contraire, inverser la relation temporelle en posant le travail de l’imagination comme premier et les images comme le produit déchu de son activité ?
Cela pourrait amener à se demander si le lien entre les images et l’imagination n’est pas de nature causale ? C’est la pauvreté des images qui serait, en quelque sorte, la cause de la richesse de l’imagination ou tout au moins la cause du déclenchement du travail producteur de l’imagination. Mais alors comment des images pauvres pourraient-elles devenir riches sous l’effet de l’imagination et surtout, comment une imagination riche pourrait-elle produire des images pauvres ? Faut-il penser que les images pauvres seraient celles qui échapperaient à la production par l’imagination ? Ces interrogations ne trouvent-elles pas une certaine réponse dans l’opposition posée dans l’intitulé entre les images et l’imagination ? La question serait-elle la même si l’on avait écrit : « pauvreté de l’image, richesse de l’imagination ? ». Ne veut-on pas indiquer que la pauvreté ne résiderait pas dans l’essence même de l’image mais dans leur pluralité, leur abondance quantitative comme celle que nous vivons actuellement ? Faut-il alors réduire le sujet au seul constat sociologique d’une inflation des images venant tuer la richesse de l’imagination ?
Nous venons, par la simple analyse de l’intitulé, de faire un grand pas dans ce que l’on nomme problématisation,. Nous l’avons, par nos questions, rendu problématique. Et pourtant, nous n’avons pas encore fait l’essentiel. Bien des candidats, comme nous pour le moment, ont oublié de lire la totalité de l’intitulé et ont négligé deux mots insignifiants qui étaient en fait au coeur du sujet !