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Cette année les sujets tombés dans l’ensemble des séries sont tout à fait classiques, ce qui ne signifie pas qu’ils sont aisés à rédiger. Cependant on pourrait dire que ce sont les sujets de dissertation de la série S qui sont à la fois les plus difficiles et, étrangement, trop proches l’un de l’autre. Un candidat un peu illuminé (au sens des Lumières) pourrait très bien (cela arrive) se laisser aller à traiter simultanément les deux sujets en écrivant qu’il désire l’impossible en désirant répondre même aux questions sur lesquelles la science n’a aucune prise !!! Si l’on tient compte des textes (souvent refuge des candidats qui ont peur de la dissertation et/ou n’ont rien à dire), on voit que la notion de désir est à la fête en ES et en S et que, dans l’ensemble des séries, le candidat bénéficie d’un large choix dans le programme. Et à la différence de Pondichéry, pas de sujet sur l’esthétique.
Ce qui est curieux cette année, si l’on considère les sujets dans les différentes séries, c’est l’étonnante similarité dans le type des questions posées : dans presque toutes les séries, on demande au candidat de s’interroger sur la dualité et les différences de nature entre deux éléments : le langage et la pensée pour les L, la technique et l’homme pour les ES, la science et les questions pour les S.

Y a-t-il des questions auxquelles aucune science ne répond ?

Sujet dangereux pour les candidats amateurs plus amoureux des émissions de TF1 sur le fantastique que de la lecture de la Critique de la Raison Pure de Kant ! Les correcteurs ont tout à craindre d’énumérations à la Prévert sur toutes sortes de questions que nous n’osons pas envisager ici !

Pourtant, la rédaction de ce sujet est véritablement de nature philosophique puisque la philosophie (et c’est le cas d’une bonne dissertation) recherche les conditions qui rendent possible ou donnent un sens à tel ou tel élément. Il faut donc que le candidat, pour avoir un bonne note, ne se jette pas d’emblée dans des réponses mais prête attention aux conditions qui rendent possible et la science et les questions de nature scientifique. Ici, Kant pouvait (mais bien entendu aucun auteur n’est obligatoire) être de bon conseil puisque, sa question, dans la Critique de la Raison Pure est la suivante : que pouvons-nous savoir ? Certes, dans ce sujet il s’agit des sciences et non pas du savoir en général mais, en fin de réflexion, on rencontre la question des limites que se donne la science et chaque science. Et on songe (mais le candidat n’y est pas incité par la disparition absurde de cette notion au programme) aux questions de nature métaphysique comme par exemple le sens de l’existence ou la question de l’existence de Dieu. A la fois, chaque science pose des limites de rationalité qui lui est propre (on attend donc du candidat qu’il réfléchisse sur les conditions que rendent possible la scientificité d’une question : rationalité, démonstration, vérification expérimentale, universalité) mais à la fois, toutes les sciences accumulées ne rencontrent-elles des limites indépassables ? L’une des conditions de toute science étant la rationalité, ce sujet nous invite à nous demander si la raison trouve des limites indépassables auquel cas les sciences ne pourraient pas répondre à toues les questions. Bien évidemment, le gros risque pour le candidat porte sur le concept de question auquel il devrait donner une certaine dignité !

Le langage trahit-il la pensée ?

Il s’agit ici d’un sujet classique, ce qui ne signifie pas qu’il soit facile à traiter dans la mesure où le concept de pensée, par sa grande extension, est toujours difficile à maîtriser.

Il est important dans ce sujet d’analyser les présupposés de l’intitulé. Il pose qu’il puisse y avoir une trahison entre le langage et la pensée. S’il y a traîtrise du langage par rapport à la pensée, cela signifie, non seulement qu’il ne rend pas compte de ce qu’il est sensé exprimer mais aussi qu’il fausse ce qu’il doit exprimer. De quelle nature serait cette trahison ? La pensée aurait-elle des catégories, par exemple, logiques, qui ne correspondraient pas aux catégories grammaticales ? Cela oblige alors à analyser un autre présupposé présent dans le concept de trahison qui est celui d’une dualité : pour qu’il y ait trahison, il faut bien que deux éléments distincts soient en présence, ici le langage et la pensée. Peut-on aller jusqu’à affirmer qu’il pourrait y avoir une pensée qui précède et existe indépendamment du langage ? En ce cas le langage serait second en deux sens : il n’est pas à l’origine de la pensée et il est secondaire, n’ayant pas la même dignité. Enfin, cette expression présuppose l’existence d’une certaine extériorité entre la pensée et le langage.

Bref, ce sujet nous invite à questionner le lieu commun à la fois de l’opinion et d’un grand nombre de philosophes qui pose l’existence d’un dualisme originaire entre le langage et la pensée qui valorise celle-ci au détriment de celui-là conçu comme un moyen nécessairement inadéquat.

On peut espérer des meilleures copies la remise en cause d’un tel dualisme en se demandant ce que peut être une pensée qui ne passerait pas par le langage ? Dire que le langage trahit (par exemple le candidat dans sa rédaction !), n’est-ce pas plutôt signifier que l’on pensait mal ? Quand on dit que l’on a exprimé par lapsus ce que l’on ne pensait pas, ce n’est pas la langage qui nous a trahi, c’est notre pensée qui a dit vraiment ce qu’elle pensait ! Nous voulons croire que derrière le langage, en deçà de lui, il y aurait une pensée pure qui ne pourrait qu’être trahie par son moyen d’expression mais cela n’est qu’une illusion : il n’existe pas d’extériorité de la pensée par rapport au langage : tout ce que nous pensons (même intérieurement) nous le pensons dans des mots et par des mots et le sentiment de trahison n’existe qu’entre différentes pensées que nous avons.

Le développement technique transforme-t-il les hommes ?

Les sujets sur la technique donnent lieu généralement de la part des candidats à des considérations générales et pleureuses que l’air du temps et des médias ne risque pas de modérer. Et pourtant, il suffirait, comme toujours, de lire le sujet et de le problématiser pour produire, non pas des jérémiades sur la technique qui détruit tout, mais une réflexion de nature philosophique. Ici, on parle de développement et non pas de progrès ! On veut signifier une genèse de la technique et à cette genèse correspondrait une autre genèse qui est nommée transformation. Transformer c’est changer de formes : au changement de forme de la technique correspondrait un changement de forme des hommes. Ce sujet nous invite donc à nous demander si la technique, comme le pense l’opinion commune, est neutre, extérieure à l’homme ou si, au contraire, elle fait partie de son être, de son essence. L’enjeu de ce sujet porte donc sur l’essence de l’homme et l’essence de la technique. Peut-on penser que les hommes, producteurs des techniques et de son développement, resteraient en quelque sorte extérieurs au processus qu’ils engendrent ?
Dans ce cas, il y aurait une essence de l’homme qui subsisterait indépendamment des modifications de la technique. Ce sujet nous invite donc à penser l’unité de l’homme et de la technique de telle sorte que transformation des techniques et transformation de l’homme soient les témoins d’une même genèse. Dans ce cas, il n’y aurait pas d’extériorité de l’homme par rapport à la technique ; de plus, la technique ferait partie de l’essence de l’homme ; enfin il n’y aurait pas d’essence immuable de l’homme puisqu’à la genèse de la technique correspondrait une genèse de l’homme.

Est-il absurde de désirer l’impossible ?

Il s’agit d’un sujet classique mais qui demande une analyse précise des concepts proposés et notamment de celui d’absurde. L’absurde, c’est ce qui n’a pas de sens, est dénué de signification. L’intitulé nous demande d’envisager le cas d’un désir absurde et il est facile de faire remarquer le paradoxe : si nous désirons, c’est que nous voulons combler un manque ; or quel sens y aurait-il à poursuivre un objet que l’on sait être impossible à atteindre ? N’est-ce pas l’absurdité du désir de Sisyphe qui symbolise précisément l’absurdité de la vie ? L’analyse du sujet devrait nous permettre de dépasser cet étonnement premier. Or que faut-il pour qu’il y ait désir ?
– une conscience. Seul un être disposant d’une conscience qui a pour effet de produire un creux, un non-être peut éprouver des désirs et non pas des besoins
– un manque. La conscience qui est temps provoque en nous un creux entre ce que nous sommes et ce que nous avons été et ce que nous voudrions être. Le désir naît d’une insatisfaction c’est-à-dire du fait que ce nous sommes ne nous comble pas; il est donc tension vers un ailleurs, vers un autre état que celui que nous vivons

– ce manque, à la différence du besoin, n’est pas manque d’objet mais de « on ne sait quoi ». Il est manque de … Si l’on comprend que c’est la conscience qui produit en nous constamment du non-être, un creux, le manque du désir est lié au temps qui défait constamment toute forme d’être et de stabilité. L’insatisfaction qui fait naître le désir n’est rien d’autre que le néant produit par le temps qui nous empêche d’être; mon présent n’est pas de l’être mais il est creusé de l’intérieur par l’avenir et le passé. Dans l’intitulé, le manque du désir semble avoir un objet qui est ici l’impossible c’est-à-dire ce qui ne peut pas être, ce qui ne peut pas être réalisé. Or le paradoxe initial se renverse : si le désir est une insatisfaction d’on ne sait quoi, on ne voit pas comment il pourrait autre chose que tension vers l’impossible. De plus, si cette insatisfaction est liée au temps qui, par notre conscience, produit constamment en nous une destruction de ce qui est, le désir, par définition, ne peut que voiser l’impossible.

Sur le fond, il serait aisé de montrer que, pour certains philosophes de l’antiquité, le désir n’a de sens que s’il vise des objets que l’homme peut atteindre. C’est pourquoi il faut limiter, restreindre ses désirs. Mais cette rationalisation du désir aboutit, paradoxalement à sa fin, en transformant le désir en besoin. Et désirer le possible pour qu’il soit rationnel et raisonnable, aboutit à une absurdité qui n’est autre que la disparition de tout désir ! Les épicuriens et les stoïciens, dans leur volonté de maîtrise et de rationalité du désir (ataraxie, apathie), finissent par le détruire. C’est que, dans leur idéal, on doit dépasser la condition humaine qui est celle d’un être désirant pour devenir semblable aux dieux. La rationalisation du désir aboutit à la fois à la mort du désir et à la sortie de la condition humaine.

Et si l’on revient aux conditions de possibilité de tout désir, on découvre que l’essence du désir est de viser l’impossible puisque l’on cherche à mettre fin à la conscience et au temps qui sont constitutifs de l’être humain. Or ce qui polarise notre être, à savoir le désir, ne peut viser que ce qui ne peut pas être réalisé. Le désir, tout désir, ne peut viser que l’impossible et on pourrait montre, à l’inverse, que l’absurdité se situe chez ceux qui voudraient viser le possible puisque cela impliquerait la négation de la condition humaine. On voit que l’enjeu était ici anthropologique puisque qu’il nous obligeait à réfléchir sur la condition humaine (être de désir) et qu’il oppose deux conceptions de l’homme : celle qui veut dépasser la condition humaine pour être « semblable aux dieux » en rendant absurde le désir de l’impossible mais en tombant dans l’absurdité de ceux qui croient que l’on peut sortir de la condition humaine et celle qui accepte la condition humaine faite de conscience, de temps, de désir et qui désire constamment l’impossible d’une façon sensée et non point absurde.