Suis-je responsable de ce que je suis ? Pondichéry 2011

Faisons une courte problématisation de ce sujet que nous jugeons difficile pour des élèves de terminales car il est toujours difficile de tenter de répondre à la question « qui suis-je ? ». Il est vrai que l’intitulé ne porte pas directement sur cela car l’expression importante est « ce que » je suis. On peut donc comprendre « je suis » comme ce qui constitue mon être, ma singularité, mon essence, peu importe le contenu même de cette essence. Ce sujet nous accorde cette singularité de notre être ; nous sommes donc posés comme de véritables sujets.
Mais qu’est-ce qui a produit cette essence singulière qui est notre être ?
Que faut-il pour qu’il y ait responsabilité ?
– Il faut, tout d’abord, que quelque chose soit fait par un sujet ; il faut qu’il y ait une action. Ainsi, dans cet intitulé, pour que l’on puisse envisager de répondre positivement à la question, il faut accepter de penser que ce que je suis est le produit d’un acte.
– mais toute action, au sens large du terme, n’implique pas une responsabilité de ma part. Pour que je sois responsable de l’action que je fais, il faut que je l’accomplisse consciemment, ce qui suppose un être capable de prendre une distance, un écart, entre l’action et le sujet qui l’effectue. Mais la conscience ne suffit pas car le jeune enfant de quelques années possède bien une conscience mais cela ne suffit pas pour qu’on lui attribue la responsabilité des actes qu’il accomplit. Pourquoi ? Il lui manque la faculté de juger, d’apprécier véritablement le sens et la portée de ses actes car il n’a pas encore développé ce que l’on nomme la raison.
– Cependant, il ne suffit pas, pour être responsable de faire ou avoir fait une action déterminée par la raison ; encore faut-il que cette action ait été effectuée librement et la liberté nécessite trois conditions de possibilité : la raison que nous venons de voir, le choix et la volonté.
Notre intitulé se transforme en la question suivante : peut-on dire que ce que je suis, mon essence, ma singularité est le produit d’un acte, d’une action émanant de ma subjectivité, de ma raison ? Ne pourrait-on pas dire, au contraire, que ce que je suis est un fait, quelque chose de donné et non pas de produit, de fabriqué ? (Puisque nous ne développerons pas ce sujet, indiquons une piste de nature métaphysique : dans certaines croyances religieuses, ce que je suis ne dépend en rien d’une production qui viendrait de mon être mais tout cela a pu m’être donné par une divinité transcendante. Alors que chez Platon, « La responsabilité revient à qui choisit ; le dieu, lui, n’est pas responsable. » Nous sommes responsables de ce que nous sommes car nous avons-nous-mêmes choisi notre essence avant de venir sur terre.)
– De plus, pour être responsable, il faut que l’être que je suis provienne d’un processus de production accompli librement c’est-à-dire volontairement, raisonnablement, et en ayant le choix. Suis-je le sujet qui a pu choisir ce qu’il est aujourd’hui en toute liberté ?
Nous voyons donc que le sujet porte sur la liberté de l’homme : question anthropologique et métaphysique : l’homme se construit-il lui-même librement ? .