Liban 2011 :

Série ES

Le candidat traitera, au choix, l’un des trois sujets suivants
1° SUJET
Parle-t-on seulement pour être compris ?

2° SUJET
Peut-on ne pas connaître son bonheur ?

3ème SUJET
Expliquer le texte suivant
La société […] est la source et le lieu de tous les biens intellectuels qui constituent la civilisation. C’est de la société que nous vient tout l’essentiel de notre vie mentale. Notre raison individuelle est et vaut ce que vaut cette raison collective et impersonnelle qu’est la science, qui est une chose sociale au premier chef et par la manière dont elle se fait et par la manière dont elle se conserve. Nos facultés esthétiques, la finesse de notre goût dépendent de ce qu’est l’art, chose sociale au même titre. C’est à la société que nous devons notre empire sur les choses qui fait partie de notre grandeur. C’est elle qui nous affranchit de la nature. N’est-il pas naturel dès lors que nous nous la représentions comme un être psychique supérieur à celui que nous sommes et d’où ce dernier émane ? Par suite, on s’explique que quand elle réclame de nous ces sacrifices petits ou grands qui forment la trame de la vie morale, nous nous inclinions devant elle avec déférence.
Le croyant s’incline devant Dieu, parce que c’est de Dieu qu’il croit tenir l’être, et particulièrement son être mental, son âme. Nous avons les mêmes raisons d’éprouver ce sentiment pour la collectivité.

Durkheim, Sociologie et Philosophie
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. I1 faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est
question.

Quelques commentaires sur le sujet 2 portant sur le bonheur :

Encore un sujet sur le bonheur cette année (Peut-on ne pas connaître son bonheur ?) ! Nous donnerons dans la suite du corrigé sur « L’Etat doit-il viser le bonheur de l’individu ? », les conditions de possibilité ou l’essence de la notion de bonheur mais il n’est pas difficile de s’étonner devant un tel intitulé pour le problématiser :
Premier paradoxe : comment ne pourrait-on pas connaître ce que nous ressentons ? Comment pourrions-nous être dans l’inconscience de ce qui, semble-t-il, ne peut pas ne pas être vécu consciemment, à savoir d’être heureux ?
Deuxième paradoxe : mais si le bonheur est un état que nous sentons, que nous ressentons, que nous éprouvons immédiatement, comment pourrions-nous le connaître alors que la connaissance suppose, au sens fort, un écart, une distance, une séparation, une abstraction ? Bref, les médiations nécessaires pour connaître ne détruisent-elles pas l’immédiation de l’état de bonheur ? N’y a-t-il pas une différence de nature entre ce qui est de l’ordre du bonheur qui est vécu, ressenti et ce qui est de l’ordre de la connaissance qui est pensé ? Toute connaissance du bonheur ne détruit-elle pas immédiatement l’état qu’elle prétend saisir ?
Troisième paradoxe : puisque l’intitulé porte non pas sur « son » bonheur et non pas sur le bonheur, il suppose qu’il est possible, pour l’individu, la personne, d’accéder à la connaissance de soi-même ? La saisie de sa subjectivité, et ici, de son bonheur, n’est-il pas, par nature, une chose impossible ? Sortir de soi, s’abstraire de soi pour se connaître n’est-il pas une tâche impossible ?
On voit que, pour ce sujet, on pourrait jouer sur des variations portant sur le concept de connaissance pris au sens faible ou au sens fort (dimension épistémologique visible ici dans le troisième paradoxe).

Texte de Durkheim sur la société

Nous reviendrons un peu plus tard sur le texte de Durkheim portant sur la société, d’autant plus que le thème de la société est celui qui fera l’objet de la réflexion des classes préparatoires HEC ! Il est particulièrement intéressant car il permet à l’élève de se rendre compte de ce que l’individualisme intellectuel ambiant ne voit pas, à savoir, la détermination et la production de notre psychisme par la société. Que l’on songe au paradoxe suivant contemporain : en une vingtaine d’année, les occidentaux revendiquent un individualisme radical dans leur mode vie et de pensée ; or cet individualisme, pour s’être répandu aussi rapidement et aussi collectivement, ne peut venir spontanément de chaque individu mais d’un conditionnement venant de la société ! L’intérêt de ce texte de Durkheim est de nous rappeler que c’est la société qui est la condition de possibilité de notre vie psychique et intellectuelle !
On remarquera cependant que Durkheim ne parle pas de la question du conditionnement éventuel de notre pensée par la société : ce n’est pas la question de la liberté qui est la question du texte ; il veut simplement énoncer les conditions de possibilité de la vie mentale produites par la société.

Série S :

Sujet n ° 1

La connaissance scientifique ne repose-t-elle que sur l’observation ?

Sujet n ° 2
Pour gouverner, faut-il nécessairement sacrifier les intérêts particuliers ?

Sujet n ° 3
Expliquer le texte suivant :
[L’art] nous procure (…) l’expérience de la vie réelle, nous transporte dans des situations que notre expérience personnelle ne nous fait pas et ne nous fera peut-être jamais connaître : les expériences des personnes qu’il représente, et, grâce à la part que nous prenons à ce qui arrive à ces personnes, nous devenons capables de ressentir plus profondément ce qui se passe en nous-même. D’une façon générale, le but de l’art consiste à rendre accessible à l’intuition ce qui existe dans l’esprit humain, la vérité que l’homme abrite dans son esprit, ce qui remue la poitrine humaine et agite l’esprit humain. C’est ce que l’art a pour tâche de représenter, et il le fait au moyen de l’apparence qui, comme telle, nous est indifférente, dès l’instant où elle sert à éveiller en nous le sentiment et la conscience de quelque chose de plus élevé. C’est ainsi que l’art renseigne l’homme sur l’humain, éveille des sentiments endormis, nous met en présence des vrais intérêts de l’esprit. Nous voyons ainsi que l’art agit en remuant, dans leur profondeur, leur richesse et leur variété, tous les sentiments qui s’agitent dans l’âme humaine, et en intégrant dans le champ de notre expérience ce qui se passe dans les régions intimes de cette âme.
Rien de ce qui est humain ne m’est étranger » : telle est la devise qu’on peut appliquer à l’art.
HEGEL, Esthétique

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. I1 faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise- du texte, du problème dont il est question.