Expliquer le texte suivant :
On voit clairement pourquoi l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c’est que seules elles traitent d’un objet assez pur et simple pour n’admettre absolument rien que l’expérience ait rendu incertain, et qu’elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l’homme d’y commettre des erreurs. Et cependant il ne faut pas s’étonner si spontanément beaucoup d’esprits s’appliquent plutôt à d’autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d’affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu’il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu’elle soit. De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu’il ne faut apprendre que l’arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie.
DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit, 1628.
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
La question du texte :
Comment chercher la vérité ? quel est le paradigme à suivre pour obtenir la vérité ?
1° Ce paradigme se trouve dans l’arithmétique et la géométrie. Pour quelles raisons ?
– pureté et simplicité des objets mathématiques : voir la définition du cercle ou d’un triangle
– certitude absolue
– raisonnement hypothético-déductif purement formel
– recours à la seule raison sans passer par l’expérience
– clarté et distinction des objets sur lesquels on raisonne
2° Pourtant ce paradigme n’est pas généralement adopté par les hommes pour chercher la vérité :
– il n’est pas celui qui est « spontané » ; plus difficile à suivre
– plaisir chez l’homme d’être affirmatif sur des questions obscures
– plaisir de faire des conjectures, de faire travailler son imagination plutôt que sa raison
3° Conclusion : arithmétique et géométrie ne doivent pas être exclusives mais doivent servir de paradigme, de modèle, dans la recherche de la vérité.
Rien n’interdirait de discuter la pertinence de la thèse cartésienne. Le paradigme à suivre pour obtenir la vérité peut-il s’appliquer à d’autres sciences que l’arithmétique et la géométrie ? La certitude obtenue par les sciences physiques ou biologiques peut-elle aussi absolue que celles qu’on obtient en mathématiques ? Bref, la conception de la vérité selon Descartes n’est-elle pas trop élevée, trop dogmatique, interdisant par cela d’attribuer le qualificatif de sciences aussi bien aux sciences physiques et biologiques, sans parler des dites sciences humaines! Et pour en rester aux seules sciences physiques, on sait, contrairement à ce qu’affirmait Einstein, qu’en physique quantique on ne peut calculer que des probabilités.