Que gagnons-nous à travailler ? Série ES
Voilà un intitulé simple qui semble ne pas poser de problèmes et pourtant, quand on discute avec les élèves à la sortie de leur composition, on se rend compte, comme toujours, qu’il n’en est rien ! L’élève veut avant tout répondre à sa question et non pas à la question qui lui est posée. Dans l’intitulé, on accorde que travailler produit un gain. Or, l’élève veut avant tout montrer que l’on ne gagne rien à travailler, se montrant ainsi fidèle à Marx écrivant que l’homme perd sa vie à la gagner ! C’est pourquoi, dans la mesure où il est difficile d’admettre qu’une perte soit un gain, on peut considérer que seront en dehors du sujet toutes les analyses qui portent sur les éléments négatifs entraînés par l’activité de travail. Cependant, rien n’interdit, en fin de devoir, et quand on a fait l’effort suffisant d’analyse des gains, de conclure que le gain est nul ou tellement insuffisant qu’il en rend l’activité du travail inutile ou sans intérêt. Mais c’est déjà répondre à l’enjeu !
Pour éviter de faire un hors sujet, il est judicieux de s’interroger sur le pronom (« que ») qui se trouve au début de l’intitulé. Faut-il interpréter ce pronom comme une invitation à rechercher un objet que nous livrerait l’activité de travail ? On pourrait alors penser, de façon banale, que l’utilité de travail consisterait dans le fait de nous permettre de vivre. Mais ce gain ne pourrait-il pas être en liaison avec notre existence, avec notre statut d’être humain ? La gain ne serait plus alors seulement de nature économique (le travail comme moyen d’obtenir de quoi vivre ou même de combler nos désirs) ni sociologique (un statut social) ni même psychologique (l’intérêt ou même la fuite contre l’ennui) mais anthropologique (quel gain l’homme pourrait-il obtenir quant à son être même par le travail ?). C’est ici, à entendre toujours les remarques des élèves à la sortie du baccalauréat, qu’apparaissait la difficulté intrinsèque à ce sujet, à savoir, pour des élèves de la série ES, de ne pas se contenter de faire un devoir d’économie ! Dans un devoir de philosophie, les arguments de nature économique ou sociologique constituent la partie la plus faible du devoir ; c’est pourquoi on ne peut pas considérer qu’un devoir qui ne ferait que développer les gains économiques ou sociaux obtenus par l’activité de travail soit un bon devoir de philosophie.
Comme dans tous les devoirs de philosophie, la problématique se trouve toujours dans l’énonciation des conditions de possibilité de l’activité que l’on appelle travail. Quelles sont donc les conditions de possibilité de travail ? Nous avions, dans la partie préparation au bac et de façon prémonitoire, donné cette analyse des trois conditions de possibilité du travail (ce qui veut dire son essence) :
– La condition majeure pour qu’il y ait travail, est la présence d‘une production qui peut être de nature matérielle et/ou intellectuelle. Si l’on a pris la peine de lire l’intitulé, un élément de la problématique la problématique apparaît de lui-même, à savoir, en quoi l’acte de production, le fait de produire, peut-il constituer un gain ?
– Mais toute production n’est pas du travail au sens fort du terme. D’ailleurs, on peut se demander, à la suite d’Aristote et de Marx, si l’abeille qui construit des alvéoles à la façon d’un architecte ou l’araignée qui tisse une toile à la manière d’un tisserand, travaille. La réponse est négative car l’activité de travail exige que la production soit pensée, réfléchie. En d’autres termes, avant de produire un objet quelconque, le travailleur doit avoir dans son esprit la forme qu’il veut imposer à la matière, ce qui suppose une pensée, une conscience, une raison. Nous pouvons en déduire une deuxième problématique, à savoir, en quoi le fait de penser préalablement sa tâche est-il un gain ?
– Avons-nous pour autant trouvé l’essence du travail, ce qui fait que nous avons affaire à du travail et non pas à un loisir ? Pas encore, car dans le loisir, nous pouvons avoir une production réfléchie alors que nous ne parlerons pas évidemment d’activité de travail. Il faut donc faire apparaître une troisième condition de possibilité du travail, à savoir, une contrainte. Il n’y a de travail que si l’activité productrice possède, à des degrés divers, une part de contrainte. Inversement si celle-ci disparaît, le travail disparaît. La troisième problématique est donc la suivante : en quoi la contrainte, présente dans tout travail, peut-elle constituer un gain ? Nous touchons avec cette troisième question l’élément le plus paradoxal de la question posée mais, faisons-le remarquer à nouveau, il n’est pas question dans ce sujet sous peine de faire un hors sujet, de décrire la contrainte comme quelque chose de négatif ; il faut nécessairement montrer en quoi cette contrainte qui est ontologiquement liée au travail manifeste des aspects positifs.
La formulation minimale de la problématique est donc la suivante : que peut apporter à l’homme une activité productrice, exigeant une pensée et faite sous la contrainte ?
L’enjeu de ce sujet porte sur la nécessité ou non de travailler. Si le travail est positif pour l’homme ne faut-il pas encourager et développer ce type d’activité ?
Esquissons maintenant quelques réponses possibles qui pouvaient constituer autant de parties possibles :
– en tant qu’activité productrice, le travail est ce qui permet à l’homme de combler le manque qui l’a rendu nécessaire. Tant que les hommes ont pu satisfaire leur manque sans travailler, ils n’ont pas développé cette activité. Et l’on pouvait facilement montrer que l’un des gains essentiels du travail consiste à mettre fin aux désirs des hommes c’est-à-dire à ce dont ils manquent.
– en tant qu’activité comportant une contrainte, on pouvait montrer que, paradoxalement, l’action contraignante peut-être la condition de la liberté. Déjà, comme nous venons de le voir, le travail nous permet de nous libérer de certaines dépendances pour notre existence, mais, de façon plus intérieure, celui qui accepte de produire sous la contrainte peut acquérir la liberté de son geste ou de sa pensée. En contraignant à me plier à des règles que je n’ai pas constituées, l’action du travail permet d’acquérir une liberté que je n’aurais jamais pu obtenir en rejetant toute contrainte. Tel est le bénéfice obtenu par celui qui, pour obtenir la liberté de son corps ou de son esprit, se contraint à obéir à des exercices, à des règles qui, paradoxalement, sont la condition d’une véritable liberté.
– en tant qu’activité matérielle ou intellectuelle qui exige d’avoir une représentation qui précède l’acte même de production, le gain donné par le travail serait celui de notre propre humanité. Le propre de l’homme serait d’être capable d’avoir des représentations, des idées, des formes qui précèdent leur incarnation. Mais en effectuant cette activité, l’homme, comme le fait remarquer Hegel et Marx à sa suite, non seulement modifie la matière extérieure son être mais se construit lui-même en retour. L’homme devient un homme en extériorisant ce qu’il est et en reconnaissant ce qu’il a produit à l’extérieur de lui comme étant son être propre, son soi. Ainsi le travail a une fonction que l’on pourrait qualifier d’anthropogène dans la mesure où elle permet à l’homme de découvrir son essence d’homme.
Peut-on en finir avec les préjugés ? Série ES
Il s’agit là d’un sujet classique, même s’il peut surprendre quelque peu les candidats par le fait qu’il ne fait pas figurer explicitement des notions du programme. Il faut donc rechercher les notions du programme qui sont concernées par la notion de préjugé, à savoir, la raison et toutes les notions en liaison avec la science et l’épistémologie, le désir, la conscience, l’inconscient, le langage, la religion, la vérité. De plus, il faut répondre à la question posée c’est-à-dire à l’interrogation qui porte sur la capacité, la possibilité pour les hommes, qu’ils soient hommes du commun caractérisés par tel désir ou telle croyance, qu’ils soient scientifiques, qu’ils soient philosophes, d’éradiquer toute forme de préjugé. Il ne s’agit donc pas de dire seulement que l’on peut et qu’il faut lutter contre les préjugés ; il faut se battre ici avec l’idée d’une radicalisation de la lutte contre les préjugés.
Que faut-il entendre par préjugé ? C’est le fait, étymologiquement, de juger avant. Mais juger avant d’avoir examiné, réfléchi, c’est poser une idée, une affirmation qui n’a pas été pensée. Préjuger c’est donc ne pas juger ; c’est être pensé. Ainsi le préjugé est constitué par une affirmation, une croyance qui n’est pas fondée en raison.
La question devient alors la suivante : la raison est-elle à même d’investir la totalité de ce que nous pensons ? Peut-il y avoir dans notre pensée une totale transparence qui ne laisse subsister aucune obscurité, aucune affirmation infondée ? Peut-on penser au sens fort du terme et quel que soit le domaine, tout ce que nous pensons ? Peut-on réaliser un tel idéal qui est celui de la science et de la philosophie commençantes. Il ne s’agit-il pas d’un projet rationnel qui nous permettrait d’atteindre une vérité absolue ? L’homme peut-il obtenir cet absolu ? Ne doit-il pas se contenter d’un relatif qui lui interdirait toute position d’une vérité absolue ? Et la question n’est pas uniquement de nature épistémologique car elle engage la conception même que l’on se fait de l’homme : pour parvenir à l’éradication totale des préjugés, il faudrait que l’homme ne soit qu’un être rationnel ; mais l’homme n’est-il pas également un être de désir ? Faut-il alors, au nom de la raison, éradiquer tout désir en l’homme puisque que le désir est source de préjugés ?
Il était facile de montrer que le projet de la science et de la philosophie a longtemps été de lutter contre toutes formes de préjugé. Pour ne prendre que l’exemple de la philosophie, on voit que chez Socrate puis chez Platon il y a une lutte permanente contre toutes formes de préjugés. Bien évidemment ce sont les préjugés de l’homme du commun mais aussi ceux que l’on trouve chez les savants. Platon reproche d’ailleurs aux mathématiques de son époque de ne pas être suffisamment rationnelles et de ne pas être à même de justifier leur propre fondement. Ce serait la philosophie qui nous permettrait d’éloigner de façon définitive toutes sortes de préjugés. La même démarche se retrouve chez Descartes et sa volonté, par la mise en place d’un doute radical, méthodique, hyperbolique d’échapper aux préjugés qui sont dans sa pensée. Et le cogito semble être le point absolu qui permet au philosophe de ne plus être victime de préjugés. S’il est un philosophe qui veut en finir avec les préjugés, c’est Descartes. Bien entendu, il serait possible d’utiliser selon votre culture, bien d’autres philosophes (on pourrait même dire la totalité) et, bien entendu, bien d’autres scientifiques qui poursuivent une oeuvre de rationalisation de leur discipline.
Cependant, ce projet d’éradication de tous les préjugés se révèle impossible à tenir. L’histoire des sciences nous montre une remise en question permanente de propositions que l’on posait comme étant vraies absolument. Cela, pour autant, ne détruit pas la vérité de ce qui était posé mais le rend relatif. Ainsi, même en mathématiques, une géométrie comme celle d’Euclide, qui se présentait comme étant la seule géométrie absolument vraie ne possède plus qu’une vérité certes universelle mais relative à des propositions, à des définitions dont on ne peut être certain qu’elles ne possèdent pas des préjugés. Ainsi, le théorème de Gödel démontre qu’en mathématiques, il peut y avoir des énoncés qui sont vrais sans pouvoir être démontrables dans le cadre d’un système donné : ce sont des énoncés indécidables dont on ne peut dire s’ils sont vrais ou faux. On ne peut donc pas en finir, même en mathématiques, avec des propositions qui ne sont pas jugées, qui ne sont pas pensées, qui ne sont pas justifiées, bref, ce que nous avons nommé un préjugé.
Mais il en est de même en philosophie qui ne peut échapper, malgré tous ses efforts de rationalisation, aux préjugés. D’ailleurs, si elle y était parvenue, elle aurait disparu comme philosophie ! On pouvait, toujours selon sa culture, montrer l’impossibilité de penser sans préjugés dans le domaine de la philosophie. La critique la plus cruelle est celle que Nietzsche effectue du cogito cartésien : Descartes prétend avoir éradiqué en lui toute forme de préjugés, or il ne voit pas que dans le cogito même il se laisse penser par les mots qu’il emploie ! Ainsi, il ne définit pas ce qu’il faut entendre par penser, par je, par être. De plus, il affirme que s’il doute, c’est qu’il pense ; or il ne démontre pas que c’est bien le je qui pense. Et si l’on songe à l’inconscient freudien, il peut arriver que nous croyions penser alors que nous sommes victimes de préjugés venant de notre inconscient.
En conclusion, on invitait le candidat à pousser à la limite la volonté de rationalisation du jugement et de la pensée. Peut-on atteindre un absolu qui permettrait d’éloigner à jamais toute forme de préjugés ? Nous avons montré qu’il s’agit là d’un idéal qui, comme tout idéal, ne peut pas être atteint. Il n’en reste pas moins que cette lutte indéfinie doit être menée par l’homme s’il veut réaliser son essence rationnelle et ne pas être victime de ses désirs.
Sujet n° 3 : Explication d’un texte
Expliquez le texte suivant
Nous n’accusons pas la nature d’immoralité quand elle nous envoie un orage et nous trempe : pourquoi disons-nous donc immoral l’homme qui fait quelque mal ? Parce que nous supposons ici une volonté libre aux décrets arbitraires, là une nécessité. Mais cette distinction est une erreur. En outre, ce n’est même pas en toutes circonstances que nous appelons immorale une action intentionnellement nuisible ; on tue par exemple une mouche délibérément, mais sans le moindre scrupule, pour la pure et simple raison que son bourdonnement nous déplaît, on punit et fait intentionnellement souffrir le criminel afin de se protéger, soi et la société. Dans le premier cas, c’est l’individu qui, pour se conserver ou même pour s’éviter un déplaisir, cause intentionnellement un mal ; dans le second, c’est l’État. Toute morale admet les actes intentionnellement nuisibles en cas de légitime défense, c’est-à-dire quand il s’agit de conservation ! Mais ces deux points de vue suffisent à expliquer toutes les mauvaises actions exercées par des hommes sur les hommes : on veut son plaisir, on veut s’éviter le déplaisir ; en quelque sens que ce soit, il s’agit toujours de sa propre conservation. Socrate et Platon ont raison : quoi que l’homme fasse, il fait toujours le bien, c’est-à-dire ce qui lui semble bon (utile) suivant son degré d’intelligence, son niveau actuel de raison.
Nietzsche, Humain, trop humain
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Il est précisé que « la connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise » mais, contrairement aux apparences, l’explication d’un texte de Nietzsche, sans rien connaître à la pensée de l’auteur est un exercice impossible. Certes, le candidat aura reconnu au passage quelques notions du programme, comme la moralité, la liberté, le sujet, la société, l’Etat, le désir, la raison. Et comme souvent, on peut s’attendre à ce qu’il choisisse de façon aléatoire, donc non rationnelle, des bouts de phrase qui lui serviront de prétexte à écrire tout ce qu’il sait. À la difficulté très grande de cette épreuve qui oblige le candidat à trouver la (et non pas les) questions du texte, vient s’ajouter celle qui consiste à saisir la singularité du point de vue de Nietzsche par rapport à la philosophie et à ses grandes questions. Le thème est bien essentiellement celui de la morale, de l’action morale et la question du texte est : pourquoi sommes-nous moraux ? Qu’est-ce qui nous fait désirer une action morale ?
Ce faisant, Nietzsche se prête à une critique radicale de la conception classique de l’action morale. Pour bien comprendre la nature de sa critique, il est nécessaire de connaître la « méthode » propre à Nietzsche qu’il qualifie de généalogique. La philosophie classique a, depuis Socrate, pour question essentielle, la question qu’est-ce que ? Elle consiste à rechercher l’essence, la nature de ce dont on parle.
Qu’en est-il dans le cas de l’action morale ? L’essence de l’action morale ne peut être atteinte que si l’on suppose un sujet (et non pas un simple être naturel dénué de conscience et de raison qui ne peut être qualifié comme principe d’une action), doté d’une liberté, ce qui suppose la possibilité de vouloir et de choisir donc une certaine contingence (ce que l’on fait pourrait ne pas être fait). Telle est la conception de la philosophie traditionnelle, telle que Nietzsche l’expose au début de ce texte. On peut en déduire ce qui, toujours pour la philosophie classique, exclut toute moralité dans un événement quelconque : l’absence d’intention, l’absence d’un sujet conscient de faire ce qu’il fait, l’absence de liberté : si tout est nécessaire, ce qui signifie ne peut pas ne pas être, la notion de moralité ne peut pas avoir de sens : un phénomène naturel ne peut pas être moral ou immoral (à moins de prêter à la nature des intentions que l’on ne pourrait trouver que dans un sujet, par exemple, Dieu. C’est d’ailleurs la critique que Spinoza fait des superstitions religieuses qui interprètent un cataclysme naturel comme la punition envoyée par Dieu des péchés des hommes). C’est pourquoi, dans l’optimisme envers la nature humaine dont font preuve aussi bien Socrate, Platon, Aristote que Descartes, celui qui fait une action immorale ne peut pas l’avoir voulue : « nul ne fait le mal volontairement » déclare Socrate et, dans le même esprit, Descartes écrit que « tout pécheur est un ignorant ».
En quoi consiste ce que l’on peut appeler la déconstruction de cette conception classique de l’action morale par Nietzsche ? Non pas à répondre à la question qu’est-ce que ?, en essayant de donner des arguments certes opposés à ceux de Socrate de Descartes mais de même nature, mais à démasquer, dénoncer les forces (ce qu’en termes nietzschéens on appelle volonté puissance) qui poussent à supposer que la raison de l’action morale est un sujet libre et rationnel. Quelles sont les causes qui font agir les hommes selon Nietzsche ? C’est uniquement la recherche du bon (et non pas du bien), de ce qui leur est utile, de ce qui correspond à leur désir. Que ce soit l’individu ou une collectivité (qui peut prendre la forme de l’Etat) ce qui détermine les hommes à faire ce qu’ils font, c’est uniquement ce qui leur est utile dans l’existence. Ce faisant, il montre que la morale et toutes les conditions que nous avons énoncées au début ne sont que des fictions mises en place par les moralistes classiques. Et l’ironie de la fin du texte consiste pour Nietzsche à faire semblant de croire que Socrate serait de son avis, au moment même où il lui adresse la critique la plus radicale qui discrédite l’idée d’un sujet moral, responsable, libre, désintéressé.
Bref, ce texte de Nietzsche est une excellente illustration de sa « méthode » de lecture de l’ensemble des productions de la culture, philosophies comprises. À la façon de Marx et de Freud, que le philosophe Paul Ricoeur qualifie de « philosophes du soupçon », il ne s’intéresse pas tant à ce que disent les philosophes qu’aux forces qui leur font dire ce qu’ils disent. Pour que l’action morale ait un sens, les philosophes classiques présupposent un sujet libre, rationnel donc responsable de ce qu’il fait ; Nietzsche déconstruit ce bel ensemble en montrant qu’il n’est que le résultat de ce qui correspond aux désirs des hommes, à leur intérêt, à leur « instinct » de conservation. Ce faisant, à la façon de Spinoza dans son Ethique, il réduit la morale (considération du bien et du mal) à une simpe éthique (considération du bon et du mauvais), ce qui revient à la dépasser et à l’annuler.