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Les objets techniques nous imposent-ils une façon de penser ou seulement une manière de vivre?

(Bac L 2012 Polynésie)

Les sujets sur la technique donnent lieu généralement de la part des candidats à des considérations générales et pleureuses (les machines qui broient l’homme …) que l’air du temps et des médias ne risque pas de modérer. Et pourtant, il suffirait, comme toujours, de lire le sujet et de le problématiser pour produire, non pas des jérémiades sur la technique qui détruirait tout (la nature, la culture même!), mais une réflexion véritable de nature philosophique appuyée sur des analyses d’objets techniques réels. Le paradoxe veut qu’il existe dans notre culture, pour des raisons diverses que nous verrons un peu plus loin, un rejet de la technique et de ses réalisations, alors que, dans la vie courante, nous sommes immergés en elle. Mais c’est peut-être cette immersion même, qui nous rend aveugle à ces objets techniques formant une telle unité avec notre être, qu’ils ne sont plus pour nous, précisément, des ob-jets. Ici, nous voudrions montrer le travail obligatoire de lecture d’un intitulé à partir duquel la rédaction de sa dissertation devient un jeu d’enfant. La seule qualité d’un devoir de philosophie tient dans l’étonnement que l’on y trouve dans la lecture et le questionnement de l’intitulé, de tout l’intitulé : tout le reste, plan, connaissances etc., est secondaire puisque ce sera le contenu de votre étonnement en face de l’intitulé qui vous donnera et le plan et la mobilisation de vos connaissances. Nous savons que ce qui vient d’être dit ne sera pas lu mais il est de notre devoir de le dire pour que vous compreniez pourquoi votre mauvaise note n’est pas due à l’arbitraire d’un professeur de philosophie fatigué mais uniquement au fait que vous avez renoncé à manifester la seule qualité philosophique demandée, à savoir, l’étonnement (donc la distance, donc la ré-flexion) qui surgit du questionnement d’un intitulé quel qu’il soit. Pour cela, il faut se déprendre de tous les savoirs pour pouvoir accueillir l’étrangeté de TOUT sujet de philosophie : par principe, il faut se dire que l’on ne comprend pas l’intitulé proposé, comme Socrate qui ne comprenait pas ce que ses interlocuteurs prétendaient avoir compris.

Réflexion préparatoire et problématisation de l’intitulé.

Ici, on prêtera attention au fait que l’on parle non pas de la technique mais des objets techniques. Certes, la différence ne semble pas très importante et pour beaucoup insignifiante. Et pourtant, elle permet d’éviter de se jeter dans des considérations générales sur la technique au profit de sa condensation sous la forme d’objet. On parle ici d’objets techniques, mais pourrait-on poser la même question à propos des objets naturels ? Des montagnes, des lacs, des mers, des climats, n’imposent-ils pas aux hommes des façons de vivre et des façons de penser? Faut-il penser que seuls les objets techniques auraient une tel pouvoir?
Nous serons donc obligés à regarder dans le monde réel qui nous entoure ces êtres que l’on qualifie de techniques. Et traumatisés ou dégoûtés par la vue de ce mot de technique qui est dévalorisé dans le discours de notre culture et dans la formation scolaire, certains élèves oublient de regarder la salle d’examen dans laquelle ils sont : un bâtiment technique nommé lycée, des tables, des crayons, des feuilles, des lampes, des lunettes, des téléphones cachés car interdits, des vêtements … en oubliant tous les autres objets techniques (voitures avec des roues, cars, montres, réveils etc.) qui leur ont permis d’être présents à leur examen. (Nous avons mis ici un texte humoristique sur le comportement d’un élève contemporain dans l’usage des objets techniques pour se préparer au bac!) Il n’y a pratiquement dans notre monde que des objets techniques et même une nature qualifiée de vierge ne peut être rencontrée que par la médiation d’objets techniques. Si l’on a pris le temps de songer à cela, l’élève ne peut pas se dire qu’il manque de connaissances pour traiter un tel sujet : il lui suffit d’analyser le monde qu’il perçoit et dans lequel il agit, dès qu’il ouvre les yeux. Mais cela n’est pas suffisant pour échapper aux préjugés sur la technique et ses objets …


Relation sujet-objet.

Si nous prêtons attention à la structure de l’intitulé, on s’aperçoit que le sujet de la phrase est, paradoxalement, un objet, l’objet technique et l’homme qui, par définition est un sujet, devient l’objet des objets techniques. Et cette idée est renforcée par le fait que ces objets devenus des sujets, seraient la cause dont l’homme ne serait qu’un effet dans toutes les dimensions de son être. Mais cette extériorité et séparation des objets techniques par rapport aux hommes, ne constituent-elles pas une façon inexacte de considérer le rapport des hommes aux objets techniques ? Ne sommes-nous pas d’emblée situés dans le préjugé concernant la technique qui la place à l’extérieur de l’homme et agissant comme une puissance étrangère et aliénante (d’alienus qui signifie étranger) ? Bref, cet intitulé nous place dans une dialectique extérieur-intérieur, objets techniques-hommes, que nous ne pourrons pas ne pas interroger. C’est déjà philosopher que de s’interroger sur les présupposés qui peuvent apparaître dans la structure même de l’intitulé : c’est cela s’étonner. Mais bien entendu, il faut que cet étonnement soit fondé !

(à suivre ici si les objets techniques le permettent … Ils l’ont permis cette fois …)

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