Série L.

Sujet 1 : Suffit-il d’observer pour connaître ?

Sujet que n’apprécieront pas les TL qui généralement ne goûtent guère les sujets d’épistémologie. Pourtant, il ne présente pas de grandes difficultés pour ceux qui ont une connaissance des philosophes dits « empiristes »  comme Hume etc. Mais, on pourrait montrer que penser, comme les empiristes, que toutes nos connaissances proviennent de nos observations sensibles n’implique pas pour autant que nous obtenions de véritables connaissances : ce n’est pas parce que l’on a toujours observé que le soleil se levait le matin que l’on peut dire qu’il en sera toujours ainsi. Mes connaissances sont limitées au passé et au présent mais je n’ai pas le droit de dire que je connais les lois qui président aux courses du soleil.

Si savoir, c’est sentir, il suffirait de recueillir, par observation, les données de l’expérience pour connaître.  Ne faut‑il pas penser comme le fait l’opinion commune que la science réside dans ce que l’on sent immédiatement, ce qui se donne dans l’expérience sensible, dans le réel immédiat ? N’est‑elle pas le critère ultime auquel se soumet l’opinion commune lors de toute discussion ? C’est la thèse qu’avance Théétète dans le livre de Platon portant le même nom : « Il me paraît que celui qui sait une chose sent ce qu’il sait et, autant que je puisse juger en ce moment, la science n’est autre chose que la sensation » (Théétète, 151e.).

Mais ce savoir obtenu par simple observation présente bien des défauts : il est variable et changeant comme les données sensibles : on pourrait ici utiliser ce que tout élève de terminale L connaît, à savoir, l’analyse du morceau de cire par Descartes qui montre que la seule observation des qualités sensibles de la cire ne permet pas, à elle seule, de nous faire connaître la substance de la cire.

A cela on ajoutera que ce savoir n’est pas structuré, ordonné, et manque de sens : c‘est ce que fait remarquer Auguste Comte : « Si, en contem­plant les phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d’en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir ; et, le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos yeux« .

A l’opposé, les adversaires de Galilée refusent de regarder dans sa lunette astronomique car, pour eux, la vérité réside dans les livres et non dans l’observation des faits que nous donne l’expérience. Mais il ne suffit pas de regarder le ciel et le mouvement des astres avec la lunette de Galilée pour obtenir une véritable connaissance des phénomènes observés! D’ailleurs, l’observation de Galilée voyant dans la lune des montagnes et des creux n’a de sens pour lui que parce qu’elle s’oppose à une théorie, celle d’Aristote, dans laquelle la lune est une boule lisse et parfaite, polie comme du cristal, de nature différente de la terre. Et rappelons le mot d’un grand savant qui disait que dans le microscope, ce n’est pas l’œil qui voit mais le cerveau. Il ne suffit donc pas de rassembler des faits bruts que l’on pourrait se contenter de généraliser, pour obtenir une véritable connaissance. Il n’y a d’observation scientifique qu’en réponse à une question posée préalablement. Et comme le dit Bachelard : « l’objectivité scientifique n’est possible que si l’on a d’abord rompu avec l’objet immédiat, si l’on a refusé la séduction du premier choix, si l’on a arrêté et contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l’objet. »

Au fond, une observation digne de ce nom est déjà guidée par la raison et doit être ensuite structurée, ordonnée par la raison.

Sujet 2 : Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ?

Sujet classique qui joue sur l’opposition entre ce qui est de l’ordre du légal (le droit d’un État donné) et ce qui est de l’ordre du légitime (le juste). Ce qui relève d’une norme juridique qui m’autorise certaines actons est-il nécessairement moral ? Ce questionnement à l’œuvre chez Antigone dans le sens opposé à la question puisqu’elle s’autorise à faire au nom du juste (donner une sépulture à son frère) ce qu’elle n’a pas le droit de faire (interdiction faite par le roi Créon d’enterrer le traître à son État), est au cœur même du fondement du droit au sein d’un État. Bien entendu il est inutile de partir de l’actualité dans ce devoir mais si en France, aujourd’hui, on veut mettre en place une loi qui porterait sur la moralisation des comportements des élus, c’est bien parce que l’on pense que le comportement de certains de ces hommes sont légaux, conformes au droit, mais ne correspondent pas aux valeurs morales du juste. Il existerait donc une tension entre ce que le droit me permet de faire et les normes éthiques et morales.

Si dans un premier temps on peut montrer que la justice en posant des normes à visée universelle du droit ne semble pas s’opposer à la justice, on découvre dans un deuxième temps la tension permanente entre les possibilités d’action que le droit me donne et les valeurs de justice. Car rien ne m’assure que les principes sur lesquels tel État s’est appuyé sont justes. Estimerait-on aujourd’hui qu’un père est légitimement fondé à juger et tuer un esclave comme la loi le permettait dans l’antiquité ? C’est ici que l’exemple d’Antigone serait le bienvenu. Mais on pourrait même aller plus loin en utilisant la critique que Marx d’une déclaration universelle dite (selon lui) des droits de l’homme et qui, loin d’être juste, ne serait que la déclaration d’un homme particulier aux intérêts particuliers (voir plus bas le sujet tombé en série S : « Défendre ses droits, est-défendre ses intérêts? »). Si le droit me permet de m’emparer de la richesse d’un État, l’accroissement des inégalités entre les hommes qu’il provoque, est-il juste ?

On voit donc que le droit me donne des potentialités d’action régulées par lui mais, à lui seul, il ne peut ni garantir ni fonder des actions justes s’il n’est pas lui-même régulé par des normes morales.

SUJET 3 : 

Un Auteur célèbre*, calculant les biens et les maux de la vie humaine et comparant les deux sommes, a trouvé que la dernière surpassait l’autre de beaucoup et qu’à tout prendre la vie était pour l’homme un assez mauvais présent. Je ne suis point surpris de sa conclusion ; il a tiré tous ses raisonnements de la constitution de l’homme Civil: s’il fût remonté jusqu’à l’homme Naturel, on peut juger qu’il eût trouvé des résultats très différents, qu’il eût aperçu que l’homme n’a guère de maux que ceux qu’il s’est donnés lui-même, et que la Nature eût été justifiée. Ce n’est pas sans peine que nous sommes parvenus à nous rendre si malheureux. Quand d’un côté l’on considère les immenses travaux des hommes, tant de Sciences approfondies, tant d’arts inventés; tant de forces employées ; des abîmes comblés, des montagnes rasées, des rochers brisés, des fleuves rendus navigables, des terres défrichées, des lacs creusés, des marais desséchés, des bâtiments énormes élevés sur la terre, la mer couverte de Vaisseaux et de Matelots ; et que de l’autre on recherche avec un peu de méditation les vrais avantages qui ont résulté de tout cela pour le bonheur de l’espèce humaine, on ne peut qu’être frappé de l’étonnante disproportion qui règne entre ces choses, et déplorer l’aveuglement de l’homme qui, pour nourrir son fol orgueil et je ne sais quelle vaine admiration de lui-même, le fait courir avec ardeur après toutes les misères dont il est susceptible et que la bienfaisante nature avait pris soin d’écarter de lui.

ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes,1755.

* un auteur célèbre: il s’agit de Maupertuis, philosophe et mathématicien (1698-1759)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Texte qui paraît facile à la lecture mais qui prête à la paraphrase et aux banalités habituelles sur les rapports entre Rousseau et la nature. Beaucoup de 7-8 à prévoir pour ceux qui ont cédé à la banalité habituelle qui consiste à dire : « je prends le texte car j’aurai toujours quelque chose à dire ».

Il oppose ici l’homme naturel (hypothétique rappelons-le pour Rousseau) et l’homme vivant en société et ayant développé les techniques qui permettent à l’homme d’améliorer sa vie. N’oublions pas que dans l’hypothèse de Rousseau l’homme a été contraint de passer de l’état de nature à l’état de société parce qu’il ne pouvait plus survivre dans son premier état de nature imaginé. Il n’en reste pas moins qu’il se sert de cet état de nature imaginaire pour mieux évaluer et critiquer l’état de société dans lequel nous vivons.

Série ES

Sujet 1 : La raison peut-elle rendre raison de tout ?

Beau sujet qui invite à faire passer la raison … au tribunal de la raison, en posant la question des limites de celle-ci. Et la profondeur des réponses ou du questionnement dépendra de l’importance que l’on accordera à ce « tout ». Le pouvoir d’explication et de compréhension de la raison est-il sans limite?

On peut jouer sur les trois directions du mot raison :

* La raison comme calcul, logique, qui renvoie à ce que l’on nomme le rationnel

          * La raison comme discours, parole argumentée et discutée

          * La raison comme fondement, comme raison d’être, principe de ce qui est.

Mais l’expression « rendre raison » renvoie essentiellement à la troisième direction de sens du concept de raison car rendre raison signifie être en mesure d’expliquer les causes, de justifier donc de trouver le fondement de ce dont on parle. Cependant on pourra se demander au cours du devoir si rendre raison de quelque chose passe nécessairement par la raison. Si un mathématicien affirme avoir pu démontrer telle ou telle proposition, la communauté scientifique lui demandera d’apporter les preuves (de rendre raison) de ses affirmations à l’aide la raison mathématique universelle. Mais si l’on prend le domaine d’une amitié ou d’un amour passionnel ce n’est pas la raison qui peut rendre raison de la naissance d’un tel comportement (« parce que c’était lui ; parce que c’était moi » Montaigne). Ceci pour montrer qu’il ne faudrait pas se laisser abuser par le double emploi du concept de raison dans l’intitulé car il ne prend pas le même sens : s’il est vrai que la plupart du temps, c’est la raison qui permet de rendre raison de quelque chose, ce n’est pas toujours le cas.

1° Il est facile de montrer dans un premier temps que la raison est ce qui permet facilement de rendre compte de ce qui est, d’expliquer les causes, de justifier. Plus les hommes ont développé leur raison et leur science, mieux ils ont été à même de rendre raison, de donner les causes et les raisons des phénomènes : on peut songer aux phénomènes naturels comme les éclipses qui pouvaient auparavant terroriser les populations. Et c’est bien le pari des philosophes qui tentent par la raison de trouver un fondement, une justification (rendre raison de) de ce qui est. Du coup, il était facile, selon ses connaissances acquises durant l’année, de prendre l’exemple d’un philosophe (Épicure, Platon, Descartes, peut-être Leibniz ou Spinoza) qui exerce sa raison pour rendre compte de ce qui est. Ainsi, remontant de raisons en raisons, Platon découvre que la condition de possibilité de tout ce qui est visible c’est le soleil qui correspond dans le monde métaphysique à l’Idée de Bien. Et chez Descartes, la raison est même en mesure de prétendre rendre raison par la raison du fondement de tout ce qui est, à savoir, Dieu. Rien ne semble échapper à la puissance de la raison dans sa volonté de trouver une raison à tout.

2° Cependant, cette volonté des philosophes de vouloir rendre raison de tout ce qui est (Leibniz nous dit que « rien n’est sans raison« ), peut-elle être réalisée ? Les raisons avancées sont-elles rationnelles ? Ne dépassent-elles pas les capacités de la raison ? On sait que Kant n’accepte pas les démonstrations faites par la raison de Descartes concernant l’existence de Dieu: il ne suffit pas d’avoir en nous une idée de parfait ou d’infini pour en conclure qu’elle existe, donc que Dieu, dit parfait et infini, existe. Certes la raison mathématique est parvenue à rendre compte des infinis mais la raison philosophique trouve ses limites quand elle veut penser le tout de l’être. Et lorsque le philosophe platonicien est parvenu à se hisser vers l’Idée de Bien, la raison rend les armes au profit d’une simple contemplation de l’Idée : voir, être en extase, devant le fondement de ce qui est, n’est plus de l’ordre de la raison ni de la justification de ce qui est, par elle. Parvenu à l’acmé de sa puissance, la raison se montre incapable de rendre raison de ce qu’elle découvre.

Sans aller, comme on vient de le faire, dans le pur domaine métaphysique, on pouvait s’interroger sur ce que la raison pouvait faire pour rendre compte de l’existence du mal. Comment dans une religion rendre raison de l’existence du mal ? On constate en réalité que, malgré tous ses efforts que l’on nomme théodicée, elle ne peut y parvenir … par la raison.

La question de l’existence du mal amène à se poser la question de son pourquoi si Dieu est bon et tout-puissant. Dieu a fait le monde, il a mal fait, il aurait dû mieux faire, il aurait pu mieux faire. Épicure pose clairement cette question en envisageant toutes les possibilités logiques : «Dieu ou veut éliminer le mal et ne le peut, ou le peut et ne le veut pas, ou ne veut ni ne le peut ou le veut et le peut. S’il le veut et ne le peut, il est impuissant (imbecillis), ce qui ne convient pas à Dieu. S’il le peut et ne le veut, il est méchant (invidus), ce qui est étranger à Dieu. S’il ne le peut ni ne le veut, il est à la fois impuissant et méchant, il n’est donc pas Dieu. S’il le veut et le peut, ce qui convient à Dieu, d’où vient donc le mal (unde malum) »[1]? Dans la mesure où les dieux, selon Epicure, ne sont  pas créateurs des  mondes, ne s’occupent pas des hommes, le mal ne peut leur être imputé. Mais si Dieu crée le monde et s’il y a une providence, on ne peut concilier l’existence du mal dans le monde, la bonté de Dieu et la toute puissance. L’impossible tâche de l’avocat de Dieu consistera soit à le disculper du mal physique et du mal moral, soit, plus généralement, à expliquer comment il peut être l’auteur d’un monde imparfait (c’est le mal qu’on appelle métaphysique) où existent le péché et la souffrance.

Il y a alors seulement deux grandes manières de défendre Dieu: montrer qu’il n’y a pas (réellement) de mal dans le monde (Dieu a parfaitement fait) ou montrer que Dieu n’est pas (réellement) tout-puissant (il n’aurait pas pu mieux faire). Mais quelle que soit la position adoptée, on voit bien que ce n’est pas la raison qui rend raison de l’existence du mal.

Mais il y a d’autres domaines dans lesquels la raison est impuissante à rendre compte de ce qui est : c’est le domaine de l’art auquel s’applique la phrase d’Angelus Silesius disant que “la rose est sans pourquoi”.  C’est pourquoi on parle de génie créateur puisque le surgissement d’une œuvre belle ne peut pas être expliqué, comprise par la raison.

3° Bref, on pouvait pour finir, développer l’idée selon laquelle la raison rendait raison du fait qu’elle ne pouvait pas rendre raison de tout. Être capable de penser ses limites, telle est la tâche que la raison peut se donner. Ainsi chez Kant il y a un domaine (celui des phénomènes) qui peut être connu et dont on peut rendre compte notamment par les sciences mais au-delà des phénomènes, nous pouvons penser, plus justement croire. Certes je peux tenter de rendre raison de mes croyances mais il faut savoir que la raison ici ne peut jouer ce rôle.

[1] Epicure, Frag. 374 Usener, d’après Lactance, La Colère de Dieu, 13, 19.

Sujet 2 : Une œuvre d’art est-elle nécessairement belle ? 

On parle de moi dans ce sujet ?

Sujet qui invite à remettre en question l’idée habituelle d’une liaison nécessaire de l’art et du beau. Ne peut-on pas donner à l’œuvre d’art d’autres finalités que la beauté ?

Pour répondre à cette question il est nécessaire de poser d’abord les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’il y ait œuvre d’art.

Quelles sont les conditions de possibilité de l’art ? Quelle est l’essence de l’art ?

  • une matière : l’œuvre d’art s’inscrit dans le sensible (ce sensible peut être de nature différente : couleurs, sons mais aussi mots)
  • une action (production ou création) sur cette matière (trans-formation)
  • cette action est génératrice d’une forme qui doit être singulière (= style) : l’artisan n’est pas un artiste ; c’est un génie
  • cette singularité a une valeur universelle (même si elle n’est pas reconnue comme telle dans la réalité)
  • cette forme est belle (elle n’est pas vraie ou utile ou morale ou immorale etc.)
  • cette forme belle produit quand on la contemple une joie, mieux, un bonheur: le bonheur du sentir.

Or ce sujet demande si l’on peut ôter de l’œuvre d’art l’une des conditions de possibilité (la beauté) jugées traditionnellement comme nécessaires. Faut-il alors remettre en question l’essence de l’œuvre d’art ? Faut-il dénier aux œuvres (notamment contemporaines) qui ne prétendent pas à la beauté, le qualificatif d’œuvres d’art ? Faut-il garder le concept d’art en montrant que la beauté ne fait pas partie de son essence?

Une erreur consisterait à confondre ce qui est en fait et ce qui est en droit (en principe). Il est arrivé constamment dans le domaine de l’art que l’on ne qualifie pas de belles des œuvres qui, quelques années ou quelques siècles plus tard, sont qualifiées de belles. Cela porte sur le jugement de goût et non sur l’œuvre elle-même car ceux qui jugeaient de ces œuvres en se trompant sur leur qualité esthétique ne remettaient pas en question (comme c’est le cas dans ce sujet) le fait que la beauté était une condition essentielle pour que l’on puisse qualifier une œuvre, d’œuvre d’art.

  1. Dans un premier temps il est facile de montrer que la beauté est une condition nécessaire pour que l’on puisse qualifier une production d’œuvre d’art.

2. Dans un deuxième temps, on pouvait dire que la beauté n’a pas toujours été le but ultime recherché dans les productions artistiques.  De plus on pouvait développer un argument (qui n’a strictement aucune valeur sur le fond puisque la beauté esthétique est indépendante de ce qui est (re)présenté) qui consiste à dire que l’art peut représenter des choses laides (exemple chez Goya) sans perdre sa qualité d’œuvre d’art. Enfin, et c’est ce que nous développons un peu plus ici, on peut utiliser  utiliser ce qui s’est passé au XXème siècle, à  savoir, la remise en question de l’œuvre d’art et de l’esthétique traditionnelle.

On rejette l’idée de bon goût ou de mauvais goût. Le goût est défini traditionnellement par Montesquieu dans l’Encyclopédie comme une « application prompte et exquise des règles mêmes que l’on ne connaît pas » et Batteux écrit que « le goût est une connaissance des règles par le sentiment ». Or  les ready made de Duchamp ( (1887‑1968) remettent en question à la fois la définition traditionnelle de l’art ainsi que celle du goût : le ready made est basé selon les déclarations de Duchamp sur « l’absence totale de bon ou de mauvais goût« . En 1913, il expose la Roue de bicyclette; en 1914, le sèche-bouteilles, le peigne de 1916, en 1917, l’urinoir baptisé la Fontaine aux Indépendants de New York. Cet objet introduit au musée posait la question : « jusqu’où pour­rez‑vous encore parler d’art? » On vit encore de cette dynamique. Il si­gnale que seul le lieu d’exposition, le contenant, (galerie, musée, salon) constitue ces objets en œuvre d’art. La valeur n’est plus dans l’objet lui‑même mais dans le lieu et le temps. L’art n’est plus affaire de contenu (formes, couleurs, visions, manière, patte) mais de contenant. Ce dernier suffit sans qu’il y ait besoin de faire appel à un contenu intentionnel. Sur ce point, on trouve une opposition essentielle avec Walter Benjamin qui déplore le fait que les œuvres soient exposés dans des lieux qui n’étaient pas conçus pour elles.

On arrive à un divorce entre l’esthétique et l’activité artistique. Agir dans le domaine de l’art, c’est dési­gner un objet comme « art ». Peu importe désormais la façon dont il a été fait (à la main ou non), les matériaux etc. Duchamp quitte le domaine de l’esthétique proprement dite. Seul le lieu d’ex­position (galeries, musées, boîtes (boîtes de 1914, boîte verte, boîtes en valise) qu’il porte avec lui etc.) donne la valeur artistique à un objet. La valeur n’est plus dans l’objet lui‑même mais dans le lieu et le temps où il est placé. L’artiste est un montreur car il suffit qu’il pointe, signale, signe. Le ha­sard joue un rôle essentiel, ce que Duchamp nomme le hasard en conserve, dans la mesure où la rencontre, l’occasion joue un rôle important. Le ready made, rencontré par un hasard choisi et mis en réserve, indi­que l’état de l’art à un moment donné. Il n’y a donc plus d’œuvre considéré en soi dotée d’une valeur esthétique. Le ready made est un signe, un indicateur.

‑ Ceci a des conséquences sur la conception de « l’artiste« . Celui‑ci ne crée pas mais utilise un matériau. Le premier producteur est l’industriel ; le second est l’artiste qui change l’objet de lieu et de temps pour le montrer. Un autre déplacement a lieu sur le regardeur qui est le producteur de l’œuvre : « ce sont les regardeurs qui font les tableaux », déclare Duchamp.  Le ready made accorde à quiconque le droit de produire esthétiquement des jugements artistiques. Tout homme, toute femme, cultivé(e) ou non et quelle que soit sa culture, sa classe sociale a des Idées esthétiques qui sont ou peuvent être des  Idées artistiques. L’artiste perd la maîtrise de ce qu’il fait.

Le but n’est plus de faire le beau mais de faire quelque chose. Il y a  un renoncement à l’es­thétique du goût. Ainsi Duchamp déclare que le ready made est basé sur « l’absence totale de bon ou de mauvais goût«  et que « l’art d’une époque n’est pas le goût de cette époque » : « Je leur ai jeté le porte-bouteille et l’urinoir à la tête comme une provocation et voilà qu’ils en admirent la beauté. » C’est reconnaître à la fois que pour ceux qui aiment l’art au sens traditionnel, il y a toujours recherche de la beauté dans ce qui leur est présenté mais inversement c’est constater à la fois chez les nouveaux « artistes » le rejet de la notion de beauté.

.  La question n’est plus celle du jugement de goût qui se demande si « ceci est beau « mais celle d’un jugement de nature à prétention plus épistémologique et ontologique, à savoir, « ceci est de l’art ».

Ainsi ce n’est pas seulement l’idée de beauté que l’on a dissocié de ce que l’on nommait œuvre d’art mais c’est la totalité des conditions de possibilité que nous avions énoncées qui ont disparu ! Faut-il alors continuer à employer le même concept d’art ?

Sujet 3 :  Expliquer le texte suivant:

« Étant donné […] qu’il n’existe pas au monde de République où l’on ait établi suffisamment de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s’ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme étant le plus profitable. Car si nous prenons la liberté au sens propre de liberté corporelle, c’est-à-dire le fait de ne pas être enchaîné, ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de la part des hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien ce qu’ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs), pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses que le souverain, en réglementant les actions des hommes, a passées sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et de conclure d’autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite. »

HOBBES,Léviathan(1651)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

Thème du texte : problème de la liberté au sein d’un État. Peut-on exiger une liberté qui ne s’inscrirait pas dans les lois de l’État ? Or pour Hobbes la liberté dont nous disposons est celle qui prend place « dans le silence de la loi« . Ce degré minimal de liberté au sein d’un État  est ce qu’il nomme « liberté corporelle« . Car aucun régime politique ne peut légiférer pour la totalité des comportements possibles au sein d’une société.valable est celle qui se soumet à un pouvoir souverain.

Mais la liberté ne peut consister à réclamer de faire tout ce que l’on peut faire en se soustrayant aux lois. Si je revendique une liberté totale je tombe dans l’irrationnel puisque je devrais accorder aux autres la même liberté qui me mettrait en danger de perdre la vie. C’est ce qui se passe dans l’état de nature où chacun peut faire tout ce que sa puissance lui permet de faire. Il faut donc qu’il existe des lois auxquelles tout le monde se soumet et que l’État dispose du pouvoir de les faire respecter. Dans la dernière partie du texte Hobbes indique les conditions de possibilité d’une liberté corporelle qui passe par un pouvoir souverain qui dispose des moyens de faire respecter les lois.

Série S.

 Sujet 1: Défendre ses droits, est-ce défendre ses intérêts ?
Sujet intéressant qui pouvait, avec beaucoup de prudence car on ne vous demande pas en philosophie de faire un devoir de science politique, partir de ce qui se passe aujourd’hui dans nos sociétés : il y a une remise en question des droits acquis par certaines catégories professionnelles quant au régime des retraites (âge de départ, calcul du montant de la pension)  ; ne pourrait-on pas accuser ceux qui refusent ces changements de ne vouloir défendre que leurs intérêts particuliers ?
Il n’est pas difficile de trouver le paradoxe constitutif du sujet : comment peut-on concilier ce qui, par nature, est de l’ordre du général ou même de l’universel (le droit), avec ce qui, à l’opposé, est de l’ordre du particulier ou même de l’individuel (l’intérêt) ?
On ne pourra répondre de façon pertinente à cette question que si on s’interroge sur les fondements de mes droits et plus généralement du droit. Quels sont les critères qui ont présidé à l’instauration de mes droits ? Est-ce les intérêts particuliers de mon groupe, de ma profession, de ma catégorie sociale ou est-ce une détermination rationnelle, universelle, juste, pour tous ceux qui sont concernés dans un État donné ? 
Ainsi dans la partie du devoir où l’on développerait l’idée que défendre mes droits consiste à défendre mes avantages acquis particuliers, on pourrait réfléchir sur les fondements de l’État et des droits qu’il instaure. Si l’on pense que les structures de l’État sont aux mains d’un groupe, d’une classe particulière qui impose sa loi à l’ensemble des institutions, dont le droit de la société donnée, défendre ses droits ou vouloir imposer ses droits aux autres ne relève que des intérêts particuliers bien compris. Telle est la conception que l’on trouve chez Marx. Que l’on songe aussi à Fichte, le philosophe du sujet, le philosophe du moi absolu, qui dans ses fameux Discours à la nation allemande a débuté par l’apostrophe célèbre: «Je m’adresse à des Allemands, rien qu’à des Allemands, et je ne leur parle que des Allemands, rien que des AllemandsC’est dans la philosophie romantique allemande, à partir de Fichte, que s’exprimera avec toute sa force l’idée d’un droit fondé sur le sujet, mais un sujet qui défend ses droits et intérêts particuliers. On pose ici que le sujet ne peut pas universaliser la maxime de son action.
Mais cette ambiguïté concernant les fondements du droit est redoublée par le concept d’intérêt qui peut prendre deux directions de sens différents en fonction de l’interprétation que l’on fait des possessifs « ses droits », « ses intérêts » présents dans l’intitulé. Quelle est la nature du sujet qui défend ses droits et ses intérêts? On retrouve ici la question du fondement et des principes des droits mais aussi des sujets qui se défendent. Il peut s’agir d’un sujet ou d’un groupe de sujets particuliers qui, ayant obtenu, à un moment donné, dans un État donné, un droit particulier, veulent préserver leur avantage, leur privilège. Mais il peut s’agir d’un sujet ou d’un groupe de sujets qui se sentent concernés (autre sens du concept d’intérêt) par la défense des droits non pas particuliers mais à portée universelle, valables pour tous les hommes. Défendre mes droits qui sont ceux de tout homme, ce n’est pas défendre des désirs ou des situations particulières, mais défendre des droits qui concernent tous les hommes parce que je suis concerné par le sort de tous les hommes.
Bref, on vient de voir que l’on pouvait développer deux parties contradictoires : une partie pouvait montrer que si les droits et les intérêts ne prenaient comme principe que des sujets particuliers, on en restait à des luttes particulières et égoïstes ; une seconde réfléchissant sur les fondements d’un droit universel défendu par un sujet rationnel donc visant l’universel, affirme qu’il n’y a rien d’égoïste, bien au contraire, à défendre ces droits qui sont ceux que devraient avoir tout homme.
 Nous avons montré, qu’en principe, on peut penser un droit et un intérêt qui ne soient pas le produit d’un sujet ou d’un groupe particuliers. C’est le cas d’un sujet qui vivant dans un État dont le droit respecte les principes énoncés dans les déclarations universelles des droits de l’homme. Mais on pourrait rédiger une partie qui se demanderait si, en fait, un tel droit et un tel sujet universel préoccupé uniquement par la défense de ces normes universelles, sont possibles. Comme chaque culture est particulière, ne peut-on pas dire comme l’objectent certains États quand on les accuse de ne pas respecter les droits de l’homme en torturant, que c’est l’Occident qui, en voulant imposer ses valeurs, ne vise qu’à défendre ses propres intérêts ? C’est l’objection majeure formulée contre les droits de l’homme par les tiers‑mondistes et les fondamentalistes dans la mesure où ils assimilent ces droits fondés sur la seule volonté du sujet à ceux des Occidentaux et qui n’engagent nullement d’autres cultures. Le sujet des droits de l’homme seraient toujours le même : adulte, majeur, masculin. Les femmes, les enfants, la nature même sont exclus de sa définition. Arendt qui est critique envers le totalitarisme n’aboutit pas pour autant à une philosophie des droits de l’homme car, d’après elle, ces déclarations des droits de l’homme ne s’adressent qu’à un type d’homme, à savoir, celui qui fait partie d’un Etat-nation mais ne laisse aucune place à celui qui en est exclu comme les apatrides. En d’autres termes, ces déclarations seraient aveugles à un certain nombre d’individus non compris par elles. On pouvait aussi reprendre la critique de Marx. Il montre, dans son livre La question juive (10/18 p. 34 sq.), que cer­tains articles des Déclarations universelles des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 1793 n’étaient pas aussi universels que les révolutionnaires l’affirmaient. Ils se veulent être les « droits naturels et imprescriptibles » d’un homme universel alors qu’ils ne sont que les droits d’un homme particulier à savoir l’homme de la société bourgeoise. Certes, ils posent comme droits naturels « l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété » mais la critique de Marx porte sur le type d’égalité mis en place et sur le type d’homme effectif auquel s’adressent ces proclamations.  Si l’on définit par exemple la liberté comme le « pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article 6), on délimite les rapports des hommes à l’intérieur d’une société à la façon d’un piquet marquant la limite d’un champ mais il s’agit alors d’une définition de la liberté qui conçoit l’homme « comme monade isolée, re­pliée sur elle‑même« , coupée des autres. Il s’agit là d’une définition bourgeoise de la liberté et non pas d’une définition universelle, éternelle, naturelle. On pour­rait dire la même chose de la définition de la propriété dans la même Déclaration qui permet à l’homme de jouir « à son gré« , sans se soucier d’autrui et de la société du fruit de son travail et de son industrie : il s’agit là du droit à « l’égoïsme » qui est celui de l’homme bourgeois mais non nécessairement de tout homme. La critique de Marx porte donc sur trois points à savoir l’idéalisme, au sens négatif de ce concept, des droits de l’homme, leur individualisme, le détournement de la communauté politique au profit d’une classe sociale.
Bien entendu on peut faire pour finir la critique de la critique de Marx. S’il est vrai que, dans les faits, certains articles des droits de l’homme sont trop particuliers et reliés aux intérêts de quelques uns, sa critique n’abolit pas l’idée de rechercher (mais il en existe déjà comme la condamnation de la torture, du viol, de l’esclavage etc.) des droits effectivement universels que tous les hommes ont intérêt à défendre.

Sujet 2: Peut-on se libérer de sa culture ?

Ici, le verbe pouvoir porte uniquement sur la possibilité d’effectuer quelque chose.

Par le concept de culture, il faut entendre l’ensemble des déterminations que nous recevons du fait de vivre en société : langue, normes comportementales dans tous les domaines, croyances etc.

Une ambiguïté est présente dans le possessif qui est ici appliqué à la culture : « sa » peut renvoyer aussi bien à ce qui est propre à un individu qu’à la culture considérée dans son aspect commun à tous les membres d’une même société. La réponse ne peut être que différente dans ces deux cas mais toujours problématique. Comment pourrais-je à partir de mon soi (« se ») donc de ce qui m’est propre, me libérer de ce qui m’est propre (« ma culture ») ? C’est aussi aisé que de vouloir échapper aux sables mouvants en se tirant soi-même par les cheveux. Mais la deuxième perspective est tout aussi paradoxale car pour se libérer de la culture à laquelle on appartient, cela ne peut se faire que par la culture qui m’a constitué. On ne peut devenir étranger ou extérieur à sa propre culture qu’avec les moyens de sa propre culture. Si l’on se libérait absolument et totalement de sa propre culture, on deviendrait étranger à elle c’est-à-dire aliéné puisqu’on perdrait le soi qui constitue notre être. On se trouve en présence de la contradiction suivante : si je veux me libérer de ma culture, c’est que je me sens contraint par elle, aliéné, mais si je parvenais à échapper totalement à son emprise, ne serais-je pas à mon tour aliéné puisque je perdrais le soi qui me constituait ?

Du coup, la question ne peut avoir une solution qu’en donnant des significations différentes au verbe libérer. Si l’on donne un sens fort à cette libération en entendant par là échapper à toute détermination provenant de la culture qui nous a faite, on tombe dans les paradoxes que nous venons d’énoncer. Mais si l’on comprend cette libération comme la prise de conscience de ce qui nous a constitué qui nous permet de prendre une distance par rapport à ces déterminations, il est possible de ne pas vivre notre culture comme un destin contre lequel on ne pourrait rien.

Sujet 3 : Explication du texte de Foucault Dits et Ecrits (1978)

Expliquer le texte suivant : 

À la limite, la vie, c’est ce qui est capable d’erreur. Et c’est peut-être à cette donnée ou plutôt à cette éventualité fondamentale qu’il faut demander compte du fait que la question de l’anomalie traverse de part en part toute la biologie. À elle aussi qu’il faut demander compte des mutations et des processus évolutifs qu’elle induit. À elle qu’il faut demander compte de cette mutation singulière, de cette «erreur héréditaire »qui fait que la vie a abouti avec l’homme à un vivant qui ne se trouve jamais tout à fait à sa place, à un vivant voué à «errer »et destiné finalement à l’« erreur ». Et si on admet que le concept, c’est la réponse que la vie elle-même donne à cet aléa, il faut convenir que l’erreur est à la racine de ce qui fait la pensée humaine et son histoire. L’opposition du vrai et du faux, les valeurs qu’on prête à l’un et à l’autre, les effets de pouvoir que les différentes sociétés et les différentes institutions lient à ce partage, tout cela même n’est peut-être que la réponse la plus tardive à cette possibilité d’erreur intrinsèque (1) à la vie. Si l’histoire des sciences est discontinue, c’est-à-dire si on ne peut l’analyser que comme une série de « corrections », comme une distribution nouvelle du vrai et du faux qui ne libère jamais enfin et pour toujours la vérité, c’est que, là encore, l’ « erreur » constitue non pas l’oubli ou le retard d’une vérité, mais la dimension propre à la vie des hommes et au temps de l’espèce.

FOUCAULT, Dits et Écrits(1978).

(1) Intrinsèque : qui provient de la vie elle-même.

Thème qui porte sur le vivant et accessoirement sur la vérité. Mais le texte est difficile à expliquer car il passe des caractéristiques de la vie (productrice d’erreurs qui surgisse de façon aléatoire excluant tout idée d’une finalité préétablie, d’une téléologie) à une conception de la vérité empruntée à ces caractéristiques de la vie.  Et c’est à partir de la notion d’erreur que l’ensemble du texte se développe. Dans une perspective très nietzschéenne (mais il n’est pas nécessaire de le savoir) Foucault tire d’une conception de la vie et du vivant une conception particulière de la vérité.

Rien n’interdisait de se demander si cette façon métaphorique de procéder : est-il légitime d’appliquer à une conception intellectuelle de la vérité ce que l’on a découvert dans la réalité, ici la vie.