Cette année, on trouve deux sujets sur l’art (série L et ES) et curieusement le concept de connaissance, pas très facile à manier, se retrouve de façon croisée dans des sujets différents de ces deux séries « L’art est-il une forme de connaissance? » (ES) ; « Les connaissances nous aident-elles à vivre? » (L). On remarquera que les deux sujets de dissertation de la série L ne manifestent pas une grande différence et, pour nous, sont trop vagues et trop larges (éducation ou vie), invitant à dire des généralités et des banalités. Quant à ceux qui pensaient ne pas penser en paraphrasant le texte, celui de Merleau-Ponty sur le corps et autrui, ne s’y prête guère !!!

La série ES est mieux servie car les sujets portent sur des parties biens différentes du programme, l’art, la justice, la conscience.

Il en est de même pour la série S dont les sujets renvoient à la conscience/inconscient, le travail, la vérité.

Bac L Liban 2017

Sujet 1

L’art peut-il nous éduquer ?

Sujet 2

Les connaissances nous aident-elles à vivre ?

Sujet 3

Expliquer le texte suivant

L’homme ne montre pas ordinairement son corps, et, quand il le fait, c’est tantôt avec crainte, tantôt dans l’intention de fasciner. Il lui semble que le regard étranger qui parcourt son corps le dérobe à lui-même ou qu’au contraire l’exposition de son corps va lui livrer autrui sans défense, et c’est alors autrui qui sera réduit à l’esclavage. La pudeur et l’impudeur prennent donc place dans cette dialectique du moi et d’autrui qui est celle du maître et de l’esclave : en tant que j’ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d’autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien, au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour, mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeur est reconnue par le désir d’autrui, autrui n’est plus la personne par qui je souhaitais d’être reconnu, c’est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce titre ne compte plus pour moi. Dire que j’ai un corps est donc une manière de dire que je peux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu’autrui peut être mon maître ou mon esclave, de sorte que la pudeur ou l’impudeur expriment la dialectique de la pluralité des consciences et qu’elles ont bien une signification métaphysique. On en dirait autant du désir sexuel : il s’accommode mal de la présence d’un tiers témoin[1], s’il éprouve comme une marque d’hostilité une attitude trop naturelle ou des propos trop détachés de la part de l’être désiré, c’est qu’il veut fasciner et que le tiers observateur ou l’être désiré, s’il est trop libre d’esprit, échappe à la fascination. Ce qu’on cherche à posséder, ce n’est donc pas un corps, mais un corps animé par une conscience.

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la Perception (1945)

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

Bac ES Liban 2017

Sujet 1

L’art est-il une forme de connaissance ?

Sujet 2

Peut-on justifier une injustice ?

Sujet 3

Expliquez le texte suivant

Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique? La conscience s’en retire. Dans l’apprentissage d’un exercice, par exemple, nous commençons par être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu’il vient de nous, parce qu’il résulte d’une décision et implique un choix ; puis, à mesure que ces mouvements s’enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous en avons diminue et disparaît. Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général.

BERGSON, L’énergie spirituelle, 1919.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

 Bac S

Sujet 1

Avons-nous réellement un inconscient ?

Sujet 2

Doit-on faire du travail une valeur ?

Sujet 3

Expliquez le texte suivant

Apollonios[2] disait qu’il appartenait aux esclaves de mentir et aux hommes libres de dire la vérité. C’est la première partie de la vertu, la partie fondamentale. Il faut l’aimer pour elle-même. Celui qui dit vrai parce qu’il y est par ailleurs obligé et parce que cela lui est utile et qui ne craint pas de dire un mensonge quand cela n’a d’importance pour personne n’est pas suffisamment véritable[3]. Mon âme, par sa nature, fuit fermement la menterie et en déteste même la pensée. J’ai une honte intérieure et un remords piquant[4] si parfois le mensonge m’échappe[5], comme parfois il m’échappe quand les circonstances me surprennent et me troublent à l’improviste.

Il ne faut pas toujours tout dire, car ce serait une sottise ; mais ce qu’on dit, il faut que ce soit tel qu’on le pense ; autrement, c’est de la perversité. Je ne sais pas quel avantage mes contemporains attendent de la feinte et de la dissimulation continuelle de leurs pensées si ce n’est de n’être pas crus lors même qu’ils disent la vérité ; cela peut tromper une fois ou deux les hommes ; mais proclamer ouvertement que l’on dissimule, et se vanter, comme l’ont fait certains de nos princes, qu’ils jetteraient leur chemise au feu si elle était dans le secret de leurs intentions (…), et dire que si l’on ne sait pas feindre, on ne sait pas régner, c’est avertir ceux qui ont à négocier avec eux qu’il n’y a que tromperie et mensonge dans ce qu’ils leur disent.

MONTAIGNE, Essais (1580)

[1] tiers : une troisième personne

[2] poète grec du Illème siècle avant J.C.

[3] ne dit pas suffisamment la vérité

[4] vif

[5] si parfois je mens

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question